Le réfrigérateur que presque tout le monde a chez soi est composé de matériaux complexes, surtout ceux de la nouvelle génération, avec écran numérique. Les plus gros modèles dépassent les 100 kg [1]. Il s’agit souvent du premier poste de consommation d’électricité dans la maison (à l’exception du chauffage électrique), et il utilise des fluides toxiques pour la planète. Le premier réfrigérateur (à vapeur) a fait l’objet d’un brevet en 1835. Avant cette date, on savait déjà conserver les aliments. Nous n’avons donc pas grand-chose à inventer !
Méthode passive : la cave
La méthode de conservation la plus simple est… la cave ! Si elle est suffisamment profonde sous la maison ou l’immeuble, elle aura une température constante toute l’année (autour de 14 °C). Cela permet la conservation de la plupart des boissons, des fruits et des légumes. Il faut s’assurer de bonnes conditions de ventilation, par exemple en mettant fruits et légumes sur des claies. Il faut aussi se protéger d’éventuels rongeurs (espaces grillagés). Avis aux promot·rices d’habitat groupé : penser à faire des caves bien enterrées !
Le frigo du désert
Une autre méthode, techniquement simple, et qui assure des températures plus basses, est à réaliser avec deux pots en terre de diamètres différents que l’on emboîte l’un dans l’autre [2]. Entre les deux, on place du sable que l’on maintient humide. On place ensuite les pots (avec un couvercle) au soleil : celui-ci provoque l’évaporation de l’eau à travers la terre poreuse, faisant descendre la température à l’intérieur du pot central (autour de 5 °C). On peut ainsi stocker des produits qui nécessitent plus de froid comme les laitages, les viandes, les poissons et les plats cuisinés. Cette technique utilisée depuis longtemps dans le Maghreb est maintenant commercialisée dans différents pays. Il existe des plans sur internet pour fabriquer son frigo soi-même [3]. Cette technique fonctionne d’autant mieux que l’ensoleillement est important. Pour autant, cela n’empêche pas l’association bretonne Héol-La Maison autonome d’en utiliser [4].
A-t-on besoin de la congélation ?
Pour obtenir des températures négatives (congélation), il n’existe pas d’alternatives simples. Rappelons toutefois qu’avant l’ère de l’électricité, il existait des marchand·es de glace [5]… À l’époque, la glace était collectée en hiver, principalement sur les étangs gelés, puis stockée dans des grottes (ou glacières) avant d’être transportée là où le besoin s’en faisait sentir. Cette méthode a été développée en France mais également dans des pays chauds disposant de montagnes, comme l’Iran. Au 19e siècle, navires et wagons frigorifiques ont permis de distribuer la glace dans le monde entier [6].
Mais la congélation a-t-elle sa place dans un processus de transition écologique ?
Que met-on dans un congélateur ? Ne parlons pas des plats préparés, bourrés d’additifs toxiques, ni des importations de produits exotiques. Des surplus de production de notre jardin bio ? C’est effectivement le cas le plus courant en milieu écolo (on peut ainsi manger des framboises toute l’année). La plupart des fruits et légumes à conserver étant récoltés à la belle saison, il existe des méthodes de conservation plus économes en énergie : on peut faire sécher les aliments au soleil (abricots, tomates, etc.), préparer des coulis avec un cuiseur solaire (framboises, fraises, tomates, etc.), faire des confitures solaires, des conserves, etc. Des méthodes très anciennes, comme la lactofermentation, la conservation par le sel, l’huile, le vinaigre, la graisse, l’alcool, etc., sont souvent simples à réaliser : à vous de choisir la bonne !
J’ai vécu presque trois ans et très facilement sans réfrigérateur. Tout d’abord le fromage, les oeufs, les légumes et fruits n’en ont pas besoin. J’allais deux fois par semaine au marché et cuisinais tous les jours mais pouvais sans problème garder la nourriture d’un jour sur l’autre. Astuce apprise au Bénin : un plat réchauffé se conserve plusieurs jours. La viande et le poisson étaient achetés le matin même ; le lait tient trois jours, et les adeptes du camping savent que les yaourts peuvent se conserver au moins deux jours, même lorsque la glacière n’est plus froide. Ce n’est toutefois pas le cas du fait-maison : j’ai dû jeter deux litres de lait de soja fabriqué la veille à partir de fèves fraîches.
Les bières fraîches provenaient de l’épicerie du coin et, pour les soirées, nous avions un cube de polystyrène à remplir de glace. Quand cela est possible, on peut aussi faire tremper dans l’eau les bouteilles (ou les yaourts, ou le fromage bien emballé, etc.) : un bassin dans la maison, ou la rivière en itinérant. Bref la vie sans « frais », rien de bien sorcier.
Anaïs Z.
Revoir ses manières de faire les courses
Il est possible de limiter l’usage d’un frigidaire (et donc sa taille et sa consommation), en étudiant notre manière d’acheter nos aliments. Si la société nous pousse à manger de plus en plus vite des plats préparés [7], il est souvent possible d’agir autrement : en ville, faire ses courses dans les commerces locaux et les marchés de manière quasi quotidienne permet d’éviter de stocker pour de nombreux jours [8]. Manger des produits cuisinés au fil des jours est meilleur pour la santé. À la campagne ou en maison individuelle, produire une part de sa nourriture en faisant son potager permet de manger un légume ou un fruit cueilli quelques minutes plus tôt. Cela n’a rien à voir, au niveau gustatif, avec le même aliment qui a suivi un long circuit de distribution.
On peut débrancher son frigo quasiment la moitié de l’année, et simplement mettre ses aliments à l’extérieur, à l’ombre. De nombreux logements sociaux des années 1950 disposent en cuisine d’une « glacière naturelle » : la cuisine est placée au nord, et un placard creusé dans le mur permet d’y loger les aliments au frais pendant une bonne partie de l’année. Alors qu’il peut paraître indispensable d’avoir un frigo chez soi (et la société de consommation nous le présente comme une normalité), il existe bien des astuces pour s’en passer ou a minima pour en utiliser un le plus petit possible.