Le soleil à votre table de Roger Bernard présente les résultats des recherches menées au sein de son laboratoire de physique à l’Université Lyon 1 autour de la cuisson solaire. Il s’agit du premier livre édité par Silence, en 1986. Il a été suivi par de nombreuses autres publications du même auteur [1].
La cuisson solaire ne permet pas de remplacer les cuisinières habituelles : elle ne fonctionne que lorsqu’il y a une certaine quantité de rayonnement solaire. Augmenter la surface de captage (le plus souvent avec des miroirs paraboliques), permet de diminuer le temps de cuisson… et, pour certains modèles performants, d’atteindre sensiblement le même qu’avec une cuisinière classique. Mais cela n’augmente pas la durée annuelle de fonctionnement du cuiseur. Celle-ci dépend principalement de la présence du soleil dans un ciel clair (et donc loin de la pollution urbaine), à une hauteur suffisante au-dessus de l’horizon (angle de plus de 30°).
Favoriser une cuisson lente
On distingue les fours solaires (boîtes fermées), de fabrication simple, et les cuisinières solaires chauffées par une parabole de miroirs plus ou moins importante, qui nécessitent un bon niveau de bricolage.
La cuisson des aliments commence autour de 70 °C. Un four solaire simplifié ou une petite surface de miroirs suffit pour atteindre cette température. Plus la température de cuisson est faible, meilleure est la qualité gustative des aliments… mais plus le temps de cuisson augmente.
Beaucoup de bricoleu·ses prévoient des surfaces de captage du soleil importantes, permettant d’atteindre des températures élevées (parfois plusieurs centaines de degrés centigrades) : l’aliment sera cuit très vite, mais au risque d’être totalement grillé ! Ce genre de cuiseur présente d’autres inconvénients : il augmente le risque d’aveuglement par concentration du rayonnement solaire dans l’oeil. Mettre une trop grande surface de miroirs sur une parabole augmente le risque que le cuiseur soit renversé par le vent. Enfin, plus un capteur est grand, plus le réglage du cuiseur doit être fréquent.
La cuisson solaire n’est pas réservée aux pays chauds !
La cuisson solaire permet, surtout à midi, de préparer un repas sans aucun recours à une énergie polluante, et sans facture. Il est possible de préparer le repas du soir, en couplant le cuiseur avec une marmite norvégienne (voir p. 14).
En France, en moyenne, compte tenu de l’ensoleillement, on peut préparer 90 repas par an, un peu plus au sud, un peu moins au nord. Comme l’écrit Roger Bernard : « Si ça vous paraît peu, demandez-vous combien de jours par an vous utilisez votre planche à voile ou votre service à fondue. Et arrachez donc vos framboisiers, qui ne sont utiles que trois semaines par an ! »
En 1999, l’association Bolivia Inti, créée par Robert Chiron, lance la fabrication de cuiseurs solaires distribués sur les plateaux andins pour limiter la combustion du bois. La cuisson solaire, en réduisant le besoin en bois, participe ainsi à la lutte contre la déforestation et le contact avec les fumées de combustion, chargées en dioxyde de carbone et particulièrement néfastes pour la santé. Un millier de cuiseurs sont fabriqués en Loire-Atlantique et donnés entre 2000 et 2005. Puis des équipes sont formées sur place, provoquant une hausse importante des usages (1 800 cuiseurs diffusés dans quatre pays pour la seule année 2008). L’association commence alors un travail en direction du Bénin, puis d’autres pays africains. Fin 2016, plus de 35 000 cuiseurs ont été réalisés dans les Andes (Bolivie, Chili et Pérou) et en Afrique (Maroc, Bénin, Guinée, Sénégal).
Bolivia Inti - Sud Soleil, 8, rue Saint-Domingue, 44200 Nantes, tél : 02 51 86 04 04,
www.boliviainti-sudsoleil.org
Alors, la cuisson solaire est-elle à réserver aux pays chauds ? Le 21 juin à midi, un cuiseur solaire tourné vers le soleil reçoit autant d’énergie à Chamonix qu’à l’équateur. Du 21 mars au 21 septembre, le soleil brille plus longtemps à Chamonix qu’à Abidjan. Du fait de la présence fréquente des nuages en zone tropicale, l’ensoleillement est meilleur à Colmar qu’à Yaoundé (Cameroun). Dans les faits, les résultats sont particulièrement bons en montagne, où le rayonnement solaire traverse une couche d’air plus faible.
Il convient d’utiliser des récipients spécifiques : le verre par exemple n’est pas indiqué car il multiplie les problèmes liés au risque d’éblouissement ; les récipients en terre ont une forte inertie, ce qui peut allonger les temps de cuisson ou favoriser une cuisson lente.
La simplicité pour multiplier les usages
Il existe des cuiseurs très simples. À la demande du Haut Commissariat pour les réfugié·es, Roger Bernard a mis au point, à la fin des années 1990, un cuiseur en carton et feuille d’aluminium, sans aucune vitre, pliant, léger (710 grammes), qui a un rendement modeste mais suffisant pour la cuisson lente. Ce cuiseur a été distribué à des centaines de milliers d’exemplaires dans les camps de réfugié·es, notamment au Soudan [2]. Cet appareil, qui ne se casse pas, a également été adopté par l’Éducation nationale pour des animations pédagogiques dans les écoles [3] et par des randonneu·es [4].
Les cuiseurs boîtes, de par leur forme, ne nécessitent pas une orientation très précise face au soleil. C’est ainsi qu’en Chine, des modèles ont été adaptés au porte-bagages des vélos, surface vitrée en l’air : l·a cycliste qui part au travail place son plat à cuire dans le cuiseur, gare son deux-roues au soleil, et trouve un repas mijoté à basse température pour la pause de midi.
Une alternative sérieuse aux barbecues réputés pour leurs fumées nocives [5].