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Pour sauver la forêt du Morvan, des gens se regroupent pour l’acheter peu à peu

Les belles forêts de feuillus morvandelles laissent peu à peu place à des monocultures de pins douglas, prisés par l’industrie du bois. Un groupement forestier invente des alternatives à cet enrésinement.

Un peu à l’écart de la route, après la sortie d’Autun, en Saône-et-Loire, les silhouettes vert foncé des douglas s’alignent, identiques et bien rangées. Lucienne Haese, ancienne présidente de Autun Morvan Ecologie, fondatrice et ancienne cogérante du Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan (GFSFM), ne décolère pas. « Le Morvan devient une usine à bois, fulmine-t-elle. Ils coupent ras les feuillus pour planter des monocultures de douglas !  ».
Au début du 19e siècle, la forêt, qui couvrait une bonne part des collines morvandelles, était principalement constituée de chênaies-hêtraies. Les résineux sont apparus dans le paysage durant les années 1970. Aujourd’hui, le taux d’enrésinement dépasse 50 %.
Les parcelles de douglas sont souvent cultivées de manière intensive. « En futaie régulière [dans laquelle tous les arbres sont d’âges proches, Ndlr], les rotations durent vingt à quarante ans, explique Tristan Susse, expert forestier. À l’issue d’un cycle, la parcelle est rasée ». Les conséquences de ces coupes rases sont désastreuses. « Les habitats de la faune et de la flore sont détruits. Le ramassage des branchages est réalisé à la pelle, ce qui racle et enlève l’humus. Le sol nu, exposé en plein soleil, s’appauvrit. Quand le terrain est en pente, l’eau ruisselle et emporte la terre ».

Sans monoculture et sans coupes rases

L’association Autun Morvan Ecologie a lancé le Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan en 2003. Objectif, acquérir une première parcelle dans la forêt de Montmain, à côté d’Autun : une hêtraie et chênaie-charmaie remarquable. Autun Morvan Ecologie a acheté 32 hectares, la mairie 160 hectares et le Conservatoire d’espaces naturels 60 hectares. « Tout le monde a signé une charte pour une exploitation proche de la nature, sans monoculture et sans coupes rases », précise Lucienne Haese.
Dès que sa trésorerie le lui permet, le GFSFM achète de nouvelles parcelles, parfois avec le soutien de la mairie d’Autun. Aujourd’hui, le groupement compte 530 associé·es et est propriétaire de seize forêts pour un total de 239 hectares. « La signature est en cours pour l’achat de deux autres forêts, ce qui amènera le total à 300 hectares », se réjouit Lucienne Haese. Tous gérés en futaie irrégulière [dans laquelle les peuplements forestiers sont de plusieurs classes d’âge, ce qui évite notamment les coupes rases, Ndlr], au plus proche de la nature".
Petite vente par petite vente, le groupement arrive à couvrir ses frais de fonctionnement, là où les souscriptions permettent d’investir dans de nouvelles parcelles. Les riverain·es sont également associé·es. « On leur fait parfois exploiter une partie des taillis et des houppiers pour du bois de chauffage, raconte Jacques Gorlier. Comme c’est un peu ’leur’ forêt, ils la respectent et le travail est bien fait. Cela restaure le rôle social de la forêt ».
Il est toujours possible d’acheter une ou plusieurs parts. « Certains achètent des parts comme cadeau de naissance ou de mariage. Un grand-père a acheté une part à chacun de ses petits-enfants et ils sont venus ensemble à la dernière assemblée générale. Les associés partagent la même volonté de préserver les forêts de feuillus morvandelles ».

En partenariat avec : www.reporterre.net

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