Le groupement Carma (Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole) a conçu un projet alternatif à EuropaCity, le mégacomplexe touristico-commercial aux portes de Paris, dans le triangle de Gonesse (Val-d’Oise). « Pour le moment, EuropaCity n’existe que sur le papier, ce sont des images de synthèse et un modèle économique, rien de plus », balaie Robert Spizzichino, pilote du projet Carma et ingénieur-urbaniste chevronné. « La persistance de terres agricoles au nord de la métropole est une opportunité immense. Il faut non seulement les préserver, mais aussi se saisir de cette chance : faire du triangle de Gonesse un hub [1] de l’agriculture périurbaine, un technopôle de l’agroécologie », s’enthousiasme-t-il.
Le projet Carma s’est cristallisé fin 2016, en réponse à l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris », qui proposait sur certains terrains métropolitains — dont 15 hectares du triangle de Gonesse — d’imaginer des innovations urbanistiques.
« La demande pour une alimentation de proximité n’a jamais été aussi grande »
Pour porter ce projet, Robert Spizzichino, Cyril de Koning et d’autres ont fait appel à Terre de liens Ile-de-France, qui devient le maître d’ouvrage. Biocoop, France nature environnement, Fermes d’avenir, Les Champs des possibles, le réseau Amap se sont greffés à l’initiative.
Sur les 700 ha du triangle, Carma prévoit — outre des cultures céréalières bio — une ferme maraîchère solidaire « permettant d’alimenter les cantines scolaires, les banques alimentaires et des circuits courts », un « Farm Lab » pour former à différents métiers agricoles, un centre d’échanges autour des enjeux de sécurité alimentaire, un atelier artisanal et participatif de transformation (conserves, boissons), un espace santé lié à l’alimentation et à la naturopathie, un forum permanent des arts de vivre, des écovillages en bordure des champs.
« Nous nous inscrivons en faux contre la vision prédominante selon laquelle les espaces agricoles sont des espaces vides, insiste Robert Spizzichino. Aujourd’hui, le rural est une source d’inspiration pour les urbains. » « L’Ile-de-France perd 1400 hectares de terres agricoles par an, et ce depuis 10 ans, alors que la demande locale pour une alimentation de proximité n’a jamais été aussi grande », rappelle également leur dossier d’intention.
Côté viabilité économique, les promoteurs mettent en avant un mixe de financement participatif, de mécénat et de subventions, tout en indiquant que certains « modules » du projet devraient « trouver leur équilibre d’exploitation du fait de leur activité, par exemple l’atelier artisanal ».
Mais ce projet est écarté début mars 2017 par le jury de l’appel à projets, qui leur indique toutefois que leur initiative est « intéressante à réaliser ». Y a-t-il eu un veto politique du maire de Gonesse, ardent défenseur d’EuropaCity, pour écarter Carma ?
Sur place, dans le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis, « plus on parle de Carma, plus les gens estiment qu’il est nécessaire », note Cyril de Koning. Robert Spizzichino conclut : « Les emplois créés, dans l’agriculture, les commerces de proximité, le compostage, la santé, l’écoconstruction seront durables, utiles et adaptés aux besoins locaux ».