Dossier Alternatives Médias

L’âge de faire

Michel Bernard

Depuis 2005, le mensuel L’âge de faire est diffusé largement pour mettre en avant la possibilité de changer la société par le bas, en s’appuyant sur l’écologie et la citoyenneté.

Fiche d’identité
Localisation : Peipin, 1050 habitant-es, Alpes-de-Haute-Provence • Création : 2005 • Sept salarié-es • Tirage : 25 000 exemplaires par mois • Budget : 350 000 € • Statut : association, puis SCOP.

En septembre 2001, le Réseau Sortir du nucléaire mobilise les centaines de groupes adhérent-es pour une vaste opération de diffusion d’un faux numéro de Libération rebaptisé L’Aberration. En quelques semaines, 850 000 exemplaires sont diffusés. Cela impressionne Alain Duez, un entrepreneur de Sisteron qui se met à rêver d’une revue militante qui, s’appuyant sur un réseau de distributeurs militants (avec un objectif de 4000 personnes), pourrait assurer ainsi des diffusions massives autour des questions écologistes. Il sillonne alors la France pour convaincre le maximum de personnes de participer au projet et en 2005, il lance le trimestriel L’âge de faire. Celui-ci est vendu à un prix extrêmement faible (0, 50 €), le tirage est important, mais seulement 450 personnes se sont engagées à diffuser au minimum 25 numéros. Le tirage initial est de 60 000 exemplaires. Le contenu rédactionnel s’inspire de celui du Courrier international : il reprend des infos parues ici et là dans la presse différente, des communiqués de presse d’associations. La revue est gérée par l’association du même nom.
En 2007, la revue devient mensuelle. Le système de diffusion bénévole faiblit et ne se renouvelle pas assez. Si les ventes baissent, elles restent quand même à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. La rédaction devient plus consistante, mais cela ne suffit pas à inverser la tendance. Pour équilibrer le budget, il faut augmenter le prix du numéro.
En 2010, bien que la revue soit la plus lue de la presse écolo, Alain Duez estime que le projet « a manqué sa cible en restant trop militant et pas assez grand public ». Il souhaite la transmettre pour se lancer dans une nouvelle revue plus largement dédiée à l’économie sociale et solidaire.

Le passage en coopérative

En 2011, six salarié.es — trois travaillant aux tâches administratives et trois nouveaux journalistes — investissent de l’argent pour créer une société coopérative. Participent également de manière symbolique au capital l’association L’Age de Faire toujours gérée par Alain Duez et l’association des Amies de L’Age de faire qui regroupe lecteurs et lectrices volontaires.
Le choix de passer en coopérative a eu comme conséquence un moindre recours au bénévolat. La rédaction se professionnalise. Les bénévoles restent impliqué-es (et indispensables) pour les stands et la diffusion. Progressivement les salarié-es sont rémunéré-es au même niveau, supprimant la forme hiérarchique précédente. Comme à Silence, l’ancienneté n’est pas prise en compte et l’équipe travaille de manière horizontale en autogestion.
En 2017, il y a une personne à mi-temps, Lisa Giachino, la directrice de publication, une autre à trois quarts temps, Nicole Gellot, journaliste, et cinq autres à plein temps : Fabien Ginisty à la rédaction, Fabien Plastre à la diffusion, Nicolas Bérard, journaliste, Lydia Robin webmastrice et Virginie Duong à la comptabilité et aux abonnements. Fabien Plastre et Nicolas Bérard, arrivés après la constitution de la coopérative, entrent progressivement dans le capital.

Le changement par le bas

Reportages et dossiers ont donné plus de densité à la revue. Le prix a été revu à la hausse, mais reste très bas — 1, 50 € — et, curiosité, le prix de l’abonnement individuel est plus cher que si l’on achète les numéros à l’unité. Ce choix a été fait pour faciliter la diffusion au plus grand nombre… « Quand on s’abonne, on apporte déjà un soutien », notamment aux abonnements multiples pour lesquels le prix est maintenu à 1 €.
Initialement installée dans la maison d’Alain Duez, la revue s’est maintenant dotée de ses propres locaux, à quelques kilomètres de Sisteron, dans un ancien hangar agricole.
Le credo de la revue est qu’il est possible de commencer à changer les choses « par le bas ». Elle valorise donc beaucoup les initiatives locales, ici ou ailleurs, espérant que les reportages aident lecteurs et lectrices à reprendre ces idées pour qu’elles essaiment. Comme Silence, la coopérative n’a pas de liens financiers avec une quelconque structure extérieure. Illes revendiquent : « la propriété par ses seuls salarié.es qui s’autoexploitent dans la bonne humeur ». La publicité n’est pas acceptée.

Fragilité économique

Comme toute la presse actuellement, la revue connaît une érosion de ses abonnements. En 2014, un appel a été lancé pour remonter à 12 000 abonné-es et renouveler le réseau de diffusion au numéro. Trois ans après, cela est lentement redescendu pour atteindre aujourd’hui 8000 abonnés et 8 à 10 000 exemplaires vendus par les abonnements multiples (1).
La coopérative a commencé un travail d’édition. En décembre 2015, elle a édité un hors-série reprenant une vingtaine de reportages récents. En 2016, elle a publié un livre coordonné par Nicolas Bérard, Sexy Linky, qui détaille les arguments contre le nouveau compteur électrique. Si cela entraîne un surplus de travail et pas mal de manutention, les livres permettent une visibilité en librairie que n’ont pas les revues.
L’Age de faire retrouve Silence au sein de la Coordination permanente des médias libres où, avec une soixantaine d’autres structures (presse écrite, radios, webtélés, sites internet…) sont discutées actions communes et solidarités pour maintenir la plus grande diversité possible de sensibilités et de tons face aux monopoles de la presse dominante.

MB.

• L’Age de Faire, 9, chemin de Choisy, 04200 Peipin, tél. : 04 92 61 16 11, www.lagedefaire-lejournal.fr

(1) Par comparaison, Silence mise plus sur les abonné-es : nous avons 3500 abonné-es pour seulement 1000 exemplaires vendus à l’unité.


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