J’ai déjà eu l’occasion d’écrire dans ces colonnes sur la désormais célèbre matière active des désherbants de type Round Up : le glyphosate. Depuis plusieurs années la polémique fait rage autour de la dangerosité de cette molécule, le pesticide le plus vendu au monde. Après que le Centre international de Recherche sur le cancer l’ai déclaré en 2015 "probablement cancérogène pour l’homme" les agences sanitaires européennes et américaines l’ont déclaré sûr, ouvrant ainsi la voie à une possible ré-autorisation en Europe.
C’est dans ce contexte que de nombreux documents intéressants en provenance des Etats Unis sont venus jeter un trouble supplémentaire en mars dernier. En effet, plusieurs dizaines de travailleurs agricoles touchés par des lymphomes non hodgkiniens qu’ils estiment liés à leur exposition au glyphosate ont décidé de mener une action juridique collective en Californie. Cette procédure leur a permis d’avoir accès à des documents internes de Monsanto des plus intéressants. Ils montrent par exemple comment la firme de Saint Louis, dans le Missouri, a missionné un scientifique de renom, James Parry, un professeur d’Université gallois, pour rédiger un rapport sur le profil génotoxique du glyphosate, espérant pouvoir utiliser un rapport favorable auprès des régulateurs européens. Mais le scientifique a produit un rapport allant dans le sens exactement opposé à ce qu’attendait la firme agrochimique : il conclut que le glyphosate est potentiellement un mutagène capable de casser l’ADN et d’induire des aberrations chromosomiques in vitro…et recommande à la firme d’effectuer des tests supplémentaires. Le rapport n’a, on s’en doute, jamais été rendu public... De même des documents internes, auxquels ont pu avoir accès les plaignants, révèlent qu’un rapport de 2001 de la firme explique clairement comment les surfactants ajoutés au glyphosate dans les formulations herbicides « sont capables d’augmenter l’absorption du glyphosate par la peau ». Dans le cadre de ce procès, une toxicologue de la firme américaine a pourtant affirmé « n’avoir aucune donnée » à ce sujet. On pourrait continuer ainsi longtemps cette litanie de révélations contenue dans ce qu’on appelle maintenant les Monsanto Papers. A suivre…
Monsanto était au courant des dangers
Ces révélations sont portées à la connaissance du public alors qu’une publication de chercheurs de l’Inra montre clairement que l’on peut réduire l’usage des pesticides en agriculture sans perte de performances économiques. « Les résultats, publiés dans Nature Plants, montrent qu’une réduction significative de l’usage de pesticides est possible sans dégrader, à l’échelle de l’exploitation agricole, les performances productive et économique, à condition d’adaptations conséquentes des pratiques agricoles. » précisent-ils !
La collision de ces deux informations nous renvoie clairement à un choix essentiel, celui du type d’agriculture que nous voulons pour demain. Monsanto ou agriculture sans pesticides ? Telle est la question.
François Veillerette