Article Alternatives Médias

Radios : des armées aux révolutions

Jocelyn Peyret

Au printemps 2017, nous fêtons les 40 ans de l’émergence des radios libres alors dites « pirates ». De cette révolution hertzienne sont nées la plupart des radios associatives que nous connaissons aujourd’hui.

Après la Deuxième Guerre mondiale, un monopole d’Etat sur la radiodiffusion exposait les contrevenants à des peines de prison et des amendes. Pourtant ces menaces n’intimidèrent pas les centaines de groupes qui, quelquefois pour des émissions uniques, se procuraient un émetteur et diffusaient des émissions militantes ou culturelles.

Premières émissions

L’avènement de la radio sans fil qui succède à la télégraphie se situe au début du 20e siècle en Europe. À ses débuts, son usage se limite à des communications militaires. La première diffusion de messages à destination d’auditeurs inconnus sera réalisée en 1913 depuis la Belgique. Un an après est retransmise la première émission culturelle avec la diffusion d’un concert dédié à la reine Élisabeth de Belgique. Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l’expérience s’arrête. Il faudra attendre le début des années 1920 pour que la première radio française, avec un programme quotidien, émette depuis le poste de la Tour Eiffel. L’émetteur appartient alors à l’armée de terre qui autorise l’émission de bulletins météo et de concerts.

Une arme de guerre

Rapidement, l’État autorise le développement de radios privées et en 1930 il y a en France vingt-cinq radios, dont onze publiques qui sont autorisées à diffuser de la publicité.
Lorsqu’en 1933 l’État nationalise la plus puissante des radios privées, Radio Paris, les anciens propriétaires créent Radio Luxembourg, en dehors des frontières françaises. C’est la première des radios dites périphériques, émettant à partir de l’étranger.
Les gouvernements ont compris l’intérêt de la radio en termes de propagande et la guerre qui se profile avec l’Allemagne les incite à contrôler cet outil qui devient une arme de guerre, une arme psychologique.
Ainsi pendant la guerre les Français peuvent écouter Radio Paris qui est sous contrôle allemand. Dans la zone dite libre, le gouvernement de Pétain a également sa radio, Radio nationale. La seule radio qui reste indépendante n’est pas française, il s’agit de la BBC qui propose chaque jour la fameuse émission Les Français parlent aux Français qui sera un outil de communication pour la Résistance.
Pour parfaire leur emprise sur les ondes au sud de l’Europe, les Allemands, les Italiens et les Français créent en 1942 Radio Monte-Carlo.
Pendant la guerre, les nazis et le gouvernement de Vichy créent ce qui sera appelé des radios noires, une arme psychologique destinée à semer le trouble et le doute dans la population, à démoraliser et discréditer les mouvements de Résistance. Ainsi Radio Humanité, soi-disant communiste, et Les Voix de la Paix, soi-disant pacifiste, diffusent des messages où se mêlent vérités et mensonges.

Faire entendre les voix de l’opposition

Mais la radio n’est pas seulement une arme utilisée par les nazis ou les collabos. En Autriche comme en France, des radios pirates issues de la Résistance utilisent cet outil d’information pour envoyer des appels à la résistance, pour coordonner les groupes et les actions et pour diffuser de la contre-information.
À partir de là, nombreux sont les mouvements d’opposition à se doter de leur propre radio, partout dans le monde.
Une des plus populaires reste Radio Rebelde initiée par Fidel Castro et Che Guevarra alors en lutte contre la dictature Battista à Cuba. Le Che a compris l’importance capitale de la radio qui « explique, enseigne, excite et détermine ». Par la suite, dès 1961, Radio Habana-Cuba diffuse vers l’étranger et devient un appui pour les forces révolutionnaires en Amérique latine et en Afrique.
Puis c’est au tour de l’ancienne URSS, dès 1964, de connaître le développement de radios pirates qui dénoncent le système totalitaire communiste. Le mouvement le plus coordonné suit l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968. Des dizaines d’émetteurs émettent dans tout le pays avant de connaître une purge et une violente répression.
Au Portugal en 1974, une radio officielle, Radio Renaissance, catholique et soumise au dictateur Salazar, est détournée de sa vocation première par certains de ses animateurs qui diffusent, dans la nuit du 24 au 25 avril, la chanson interdite de José Afonso, Grândola, Vila Morena, signal de l’insurrection nommée la Révolution des œillets.
Certains estiment que Radio Caroline qui a émis dès 1964 à partir de navires qui circulaient dans les eaux internationales proches des côtes anglaises, est à classer parmi les radios pirates. Certes, elle enfreignait la législation, mais ses buts n’avaient rien de politique si ce n’est la fin du monopole de la BBC. Elles concernaient la diffusion de musique pop et rock qui répondait plus aux attentes de la jeunesse que les émissions vieillottes de la radio nationale.

Après mai 1968, l’émergence des radios pirates

En France, c’est en 1969, à Lille, que naît celle qui est considérée comme la radio pirate historique, Radio Campus. Elle donne la voix aux étudiants et programme autant des émissions culturelles que des débats. Elle est certainement l’inspiration des fondateurs de la revue Interférences que nous retrouverons à côté de Brice Lalonde. Ce dernier, le 20 mars 1977, surprend la France entière en présentant en direct à la télévision Radio Verte Paris. Ce n’est qu’un magistral coup de bluff, mais il est à l’origine du printemps des radios pirates qui voit naître des centaines d’émetteurs locaux, nombre d’entre eux issus de la mouvance écologiste et antinucléaire.
Ce sera le sujet de l’article qui paraîtra en juin prochain !

Jocelyn Peyret

Collecte d’informations sur les radios pirates

Dans le cadre d’une recherche personnelle, je me suis intéressé au mouvement des radios libres et plus spécifiquement aux radios de lutte qui ont émergé à partir de 1976-1977 en France.
Ce travail m’a conduit à rédiger un livre à paraître en mai 2017. Il traite des mouvements écologistes en Alsace et de Radio Verte Fessenheim, importante radio pirate française.
Aujourd’hui je continue ce travail de collecte d’informations, de documents (sonores, tracts, articles, affiches, etc.) et de témoignages concernant l’épopée des pirates de 1976 à 1981.
Si vous avez participé à une radio pirate, connaissez quelqu’un-e qui ou si vous avez des documents, merci de me joindre par téléphone 06 20 36 57 17 ou par email joce@no-log.org

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