En ce début d’année 2017, c’est une capitale malienne moribonde, assommée par des années de marasme et de tensions qui vient d’accueillir pour la deuxième fois le sommet des chefs d’État d’Afrique et de France. C’est ainsi qu’en avait décidé François Hollande, alors qu’il pensait être candidat à la présidentielle et ouvrir sa campagne par une célébration internationale de ses supposés succès militaires en Afrique, dans un pays symbole du retour d’une Françafrique martiale et triomphante.
Mais de quels succès parle-t-on ? Comme l’analyse le dernier dossier disponible sur le site de Survie, le bilan des Opex Opérations extérieures, Ndlr françaises de ces dernières années n’est guère reluisant. Aucune situation n’est stabilisée dans les pays où la France a déployé ses soldats et la capitale malienne était un lieu bien mal choisi pour venir pavoiser. Les frais engagés pour organiser le sommet grèvent le budget malien, les infrastructures attendues ne concernent que les principaux axes et les lieux fréquentés par les délégations. Des belles villas construites pour l’occasion, de l’agrandissement des hôtels de luxe, des millions de CFA engloutis pour former des jeunes au protocole diplomatique, le peuple bamakois n’a rien vu, se contentant de subir les inconvénients des travaux, le ballet des délégations bloquant la circulation sur les ponts, les fouilles incessantes de véhicules, la fébrilité des forces de l’ordre. Dire que ce sommet n’a déclenché aucun enthousiasme est un euphémisme. Partout dans le centre-ville, les commerçants informels ont été « déguerpis » manu militari, suscitant de nombreuses protestations.
Serait-il devenu sensible de parler de la France dans la capitale malienne, quatre ans après le début de l’Opération Serval, cette « opération du cœur » vantée par un ambassadeur, et son déluge d’images de drapeaux français et de foules reconnaissantes orchestré par la communication élyséenne ? Oui, indiscutablement. Car si la France n’est pas la responsable de tout ce qui va mal dans la société malienne d’aujourd’hui, sur le plan militaire, politique et économique, elle a contribué à la perte de souveraineté du pays et au déficit de légitimité de ses dirigeants. Installés en hâte à l’issue d’un processus bâclé, embourbés dans une succession de scandales, ceux-ci n’ont pas su générer un renouvellement des élites, reconstruire un projet pour le pays et régler les tensions sociales et religieuses. La question du Nord n’est pas réglée, l’insécurité touche la plupart des régions et la capitale. Malgré une croissance dopée par le cours de rares produits d’exportation, la pauvreté est toujours aussi visible dans la capitale.
Promotion de l’ingérence française
Dans les avions, les militaires étrangers ont remplacé depuis longtemps les touristes, en attendant de l’être par les sans-papiers refoulés, si le Mali signe avec l’Union Européenne l’accord de réadmission en cours de négociation, qui a suscité un mouvement de colère considérable dans le pays et dans la diaspora. Pendant ce temps, François Hollande, l’armée et le Medef étaient tout affairés à l’organisation de « leur » sommet dédié à la promotion de l’ingérence française et de la diplomatie économique, déployée tous azimut pour gagner de juteux marchés subventionnés par l’aide internationale. Mais dans les rues bamakoises, et au cœur des mobilisations de la société civile organisées en marge du Sommet pour contester le néocolonialisme et l’arrogance française, cette fois, plus personne n’était dupe.
Fabrice Tarrit