Les Villages des alternatives et le tour à vélo Alternatiba, durant l’été 2015, ont réussi à toucher et à fédérer un public élargi autour des enjeux climatiques, au-delà des réseaux écologistes classiques. « Après les Villages des alternatives, plusieurs personnes se sont dit : ’C’est génial, ce qu’on a fait, il faudrait continuer à montrer cette diversité des alternatives tout le temps.’ Comment pérenniser cette expérience ? », interroge Adrien Kempf, l’un des membres de l’équipe du guide.
« Un outil pour se lancer »
« De tels lieux ont pour vocation de poursuivre l’action des Villages : toucher un public large et montrer des alternatives concrètes », poursuit Adrien, qui aime les voir comme des « outils pour renforcer et dynamiser le mouvement climatique ».
Ces lieux alternatifs sont donc les vitrines des alternatives, mais également des lieux d’organisation collective, d’événements, de luttes d’opposition, etc. « Un lieu, c’est quelque chose de solide », renchérit Lydie Tamarelle, autre membre de l’équipe éditoriale.
Elle précise : « Le guide sera un outil au service de tous les collectifs qui souhaitent se lancer dans la création de lieux alternatifs, il donnera des exemples, des outils, des contacts… »
Créons 10, 100, 1000 lieux alternatifs
Mais de quels lieux parle-t-on ? « Par ’lieu alternatif’, nous entendons des espaces ouverts au public et aux rencontres, ayant une ou des activités alternatives, gérés collectivement, avec une dimension bénévole (pas seulement salariée), des membres permanents (pas éphémères ou ponctuels), et constituant éventuellement une base logistique pour d’autres projets. Par exemple en servant de salle de réunion, d’atelier pour des banderoles, pour l’organisation de repas collectifs… », explique Adrien. On y croisera donc, pêle-mêle, des ressourceries, des ateliers vélo, des épiceries coopératives, des maisons des alternatives, des espaces de travail partagé, des bibliothèques, des cafés, des jardins partagés…
« L’enjeu est que nos alternatives deviennent majoritaires, poursuit Adrien. Nous sommes dans une logique de massification. » Et Lydie ajoute : « Notre objectif est : créons 10, 100, 1000 lieux alternatifs. »
Quand on lui demande pourquoi Alternatiba a choisi d’appuyer l’émergence de tels lieux pour renforcer le mouvement climatique, Adrien répond que « ce guide cherche à renforcer les initiatives collectives locales. Elles sont complémentaires des changements au niveau personnel, familial, etc., et des alternatives globales (Enercoop, la Nef…). Il faut semer les alternatives à toutes les échelles : individuelle, collective et globale, et ces lieux peuvent faire le lien entre les différentes échelles ». Il précise que le guide inclut une diversité de lieux : des petits projets aux grosses structures, en milieu rural et urbain, etc. Concrètement, Adrien estime que des cafés alternatifs ou des jardins partagés peuvent être des lieux propices à l’implication de nouvelles personnes dans le mouvement pour la justice climatique. Si certain-es vont s’y investir en participant à des réunions ou à des actions directes non-violentes, d’autres vont y entrer en passant la porte d’un lieu où ils comptent prendre un café dans une atmosphère sympathique, ou assister à une activité de jardinage ou de réparation.
Accompagnement à la naissance
« Pour réaliser ce guide, nous avons demandé aux collectifs Alternatiba locaux et à des médias et réseaux alternatifs, dont Silence, de nous signaler des lieux alternatifs qui leur semblaient intéressants. Nous en avons recensé ainsi plus d’une centaine, pour commencer. Une trentaine apparaissent dans la première mouture du guide. Mais celui-ci est destiné à évoluer et à être enrichi, notamment dans sa version internet », explique Lydie. Ayant travaillé longtemps en tant qu’accompagnatrice de projets professionnels, de créations d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, elle s’est également investie dans l’association J’aime le vert, à Alfortville (Val-de-Marne), qui anime entre autres cinq jardins partagés (1). En s’engageant dans l’aventure de ce guide méthodologique, elle souhaitait partager son expérience, transmettre le goût de se lancer, donner des outils pour éviter certaines impasses. « Quels sont les facteurs clés du succès ? Les écueils à éviter ? » Le groupe de rédaction a « sollicité (2) des personnes qui étaient en phase de création de projet ainsi que des lieux existants, pour mieux être à l’écoute des questions qu’ils et elles se posent ».
« Les projets alternatifs mettent plus de temps à démarrer »
Quels sont les principaux enjeux rencontrés dans la création de tels lieux alternatifs ? « La première étape pour initier de tels projets est généralement celle des valeurs, explique Lydie. Le ‘pourquoi on le fait ?’, la rédaction d’une charte des valeurs. Ensuite vient la gestion du projet : les partenaires, l’organisation, le modèle économique, le statut juridique… Ce dernier dépendra du projet : veut-on impliquer des collectivités ? Dans ce cas, on peut choisir le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). »
« La troisième étape est celle de la création du lieu. L’absence de local ou de terrain disponible peut bloquer le projet. A contrario, la mise à disposition d’un terrain ou d’un local, par un particulier ou par une municipalitén, a donné un gros coup d’accélérateur à la création de certains lieux. »
« Les projets de l’économie sociale et solidaire mettent en général plus longtemps à aboutir que des entreprises classiques », constate Lydie. Ils peuvent prendre deux ou trois ans, contre un an pour un projet plus classique. Et la gestion collective du projet demande encore plus de temps. « Quand on est seul, on n’a pas besoin d’ajuster ses valeurs, ses objectifs, ses manières de faire, etc. ». A l’inverse, construire ensemble est plus lent… mais permet d’aller plus loin dans l’alternative.
Guillaume Gamblin