Sur l’île de Samsø, le golf est un sport populaire. Chaque joueur emporte avec lui un petit désherbeur à main. Car ici, point de pesticides : les cours sont entretenus par les ruminants et les adhérents. Les eaux d’irrigation sont récupérées et réutilisées grâce à des pompes solaires. Depuis trois ans, ce golf de 18 trous s’est mis au vert, par souci d’économies, mais pas seulement. « Nous voulons devenir d’ici à 2030 la première île sans énergie fossile », explique, enthousiaste, Jesper Rough Kristensen.
Cet ancien commercial travaille désormais pour la promotion de son île durable. Sur celle-ci, 114 km2, 4000 habitant-es, à une heure de bateau du continent, la question du transport est cruciale. La municipalité s’est équipée d’une quinzaine de voitures électriques fonctionnant à l’énergie solaire et de navires fonctionnant au gaz naturel.
« Pour que ce projet marche, il fallait qu’il soit démocratique, communautaire »
Søren Hermansen, fils d’agriculteurs insulaires, enseignant, saisit dès 1997, le potentiel pour le développement de l’île : « Depuis plusieurs années, les jeunes partaient, les commerces et les usines fermaient les unes après les autres. Il fallait se battre pour survivre ! ». Samsø dispose d’une énergie abondante : le vent. Afin de couvrir les besoins des îliens, il fallait installer des éoliennes, pour un coût en dizaine de millions d’euros.
Un investissement colossal, qui a été fait... par les habitant-es. « Pour que ce projet marche, il fallait qu’il soit démocratique, communautaire. Les gens n’auraient pas accepté qu’une entreprise extérieure leur impose des éoliennes de 70 m devant leurs fenêtres, sur leurs terres ». Plus de 500 familles en sont devenues copropriétaires. Pour faciliter les prêts, le gouvernement a garanti pendant dix ans un prix de rachat de l’électricité très intéressant.
La transition énergétique sur Samsø n’aurait sans doute jamais eu lieu sans cette politique tarifaire. « Pour qu’un changement de société ait lieu, il faut à la fois un engagement des citoyens et un soutien de l’état », résume Malene Lunden. Avec Søren et Jesper, elle est membre de l’Académie de l’énergie, une association créée dans la foulée de cette transition.
« Ce projet d’île verte change peu à peu les mentalités des gens »
Résultat : dix-neuf éoliennes dont la moitié sont marines, quatre chaufferies collectives fonctionnant au bois et à la paille et des panneaux solaires disséminés sur les toits insulaires. Depuis 2007, les énergies renouvelables couvrent la totalité de la consommation d’électricité et les trois quarts des besoins en chauffage. Malgré un investissement total de 60 millions d’euros, la majorité des emprunts sont remboursés, et de nouveaux emplois — dans la maintenance, la construction ou le tourisme — ont été créés.
Malene voit l’« esprit insulaire » comme un atout majeur : « Tous les gens se connaissant, ils apprennent à se faire confiance, à travailler les uns avec les autres. Une de nos réussites collectives, c’est la mise en place des manières de communiquer et de travailler qui permettent de gérer les désaccords ».
Il reste du chemin à faire avant l’autonomie, mais Malene se veut optimiste : « Ce projet d’île verte change peu à peu les mentalités des gens. Les agriculteurs, par nature plutôt conservateurs, s’ouvrent à de nouvelles idées, imaginent d’autres mondes ».
Lorène Lavocat