La diplomatie française a travaillé depuis plus d’un an à convaincre le plus de pays possible de s’opposer au Traité d’interdiction des armes nucléaires voté à l’ONU fin 2016. Le résultat de ce vote est heureusement un échec pour la diplomatie française !
Étape numéro 1 : essayer de convaincre les « partenaires nucléaires » du P5 de faire front commun contre le vote de l’ONU. Déjà lors des conférences de préparation à l’ONU à Genève la France avait essuyé un échec, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine avaient envoyé des observateurs alors que la France insistait pour ne pas y participer. A l’ONU les votes d’abstention ne sont pas comptabilisés et donc s’abstenir donne plus de poids à la majorité qui s’exprime. Lors du vote décisif à l’ONU à New York, la France avec les Anglo-saxons et les Russes ont voté « contre »… mais la Chine s’est abstenue, ce qui favorise la majorité des « pour » et donc la diplomatie française n’a pu éviter une faille dans le P5 (les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU).
Étape numéro 2 : convaincre les pays africains de voter contre ou de s’abstenir. Le ministère des affaires étrangères a redoublé ses pressions. Une « lettre aux pays amis » en septembre 2016 a montré tout l’attachement de la France au désarmement nucléaire et à l’aspect totalement non-productif d’un traité d’interdiction. Des arguments répétés depuis plus d’un an sans succès, mais avec plus d’insistance avant le vote. Résultat : le Sénégal s’est abstenu. Maigre succès qui s’explique : tous les pays africains ont signé voila plusieurs années un traité d’interdiction totale des armes nucléaires en Afrique !
Étape numéro 3 : convaincre les pays européens. Les « cibles » françaises étaient les pays francophones, les pays baltes et quelques pays en difficulté comme la Grèce et le Portugal. Ces deux derniers pays avaient voté « pour » pendant la préparation de la résolution, la France les a convaincu de voter « contre » ! Les pays baltes aussi car avec l’argument qu’ils demandent à entrer dans l’OTAN, ils ne doivent pas se singulariser ! Mais malgré ce succès diplomatique, plusieurs pays européens se sont exprimés « pour », c’est le cas de la Suède, de l’Autriche et de l’Irlande. Le cas des Pays-Bas, pays de l’OTAN qui héberge des armes nucléaires américaines et qui s’est abstenu montre que la fissure existe en Europe et dans l’OTAN.
Après le résultat en faveur du Traité d’interdiction avec plus des 3/4 des pays qui ont voté « pour », la diplomatie française devrait vraiment se poser la question de la pertinence d’un tel traité pour progresser vers le désarmement nucléaire. Ce n’est pas encore le cas. Les candidats à l’élection présidentielle réaliseront-ils qu’un changement de politique serait nécessaire ?
Dominique Lalanne