C’est une tradition, coûteuse et pathétique, qui voit régulièrement la France réunir autour d’elle ses vassaux africains ainsi que les autres dirigeants du continent. Cette fois-ci, la grand-messe a lieu à Bamako, les 13 et 14 janvier 2017. Le symbole est idéal, pour François Hollande, alors que l’élection présidentielle s’approche en France, de retourner sur les terres où il vécut « la journée la plus importante de sa vie politique ». Les dates correspondent en effet au déclenchement de l’opération Serval, vaste intervention militaire visant à reconquérir le nord du Mali, alors aux mains de divers groupes armés. Celle-ci s’est depuis métastasée dans toute la région, de la Mauritanie au Tchad, en passant par le Burkina Faso et le Niger (opération Barkhane), sans que la paix ne soit au rendez-vous.
La paix c’est la guerre
« La paix », justement, est l’un des trois thèmes officiels de ce sommet. Logique, la France aime à présenter ses guerres africaines comme autant de victoires. La réalité reste bien loin, pourtant, du discours. Six ans après l’opération Harmattan en Libye, qui a fait chuter Kadhafi et, dans la foulée, profondément déstabilisé le Sahel, le pays est toujours plongé dans le chaos. Au Mali, si l’opération Serval a repoussé un temps les groupes armés, Barkhane, à sa suite, semble incapable d’enrayer les combats récurrents qui secouent le nord et le centre du pays. Les Casques bleus présents sur place ont le taux de perte le plus élevé de toutes les opérations de l’ONU de ces dernières années. Reste Sangaris, l’opération en Centrafrique, dont les résultats n’ont pas été plus brillants et sur laquelle plane l’ombre d’un scandale, celui des viols de jeunes garçons par des soldats français.
Le partenariat c’est l’oppression
Autre thème du sommet : « le partenariat ». Mais le partenariat avec qui ? Avec Idriss Déby, qui tient le Tchad d’une main de fer depuis le début des années 1990, et que François Hollande a aidé à se relégitimer sur le plan international en en faisant le pivot de son déploiement militaire en Afrique de l’Ouest et Centrale ? Ou alors avec Denis Sassou Nguesso, lui aussi au pouvoir depuis des lustres au Congo-Brazzaville et qui a déployé depuis plus d’un an une répression féroce pour garantir sa « réélection » à vie ? Ou bien avec Ali Bongo, qui perpétue le pouvoir dynastique de son père au Gabon, en prétendant avoir remporté un scrutin dont les résultats confinent à l’absurde ? Autant de despotes écrasant leur peuple qui sont, encore et toujours, des amis de la France.
L’émergence c’est l’accaparement
Enfin, le sommet doit aborder la question de « l’émergence », nouveau visage sémantique de l’idée de développement, qui se résume bien souvent à la seule croissance du PIB. Quant à savoir à qui profite cette croissance, mieux vaut rester dans le flou. Du pillage des sous-sols en évasion fiscale, d’accords commerciaux taillés sur mesures pour les exportateurs européens en accaparements des terres, les peuples africains se voient dépossédés de ce qui pourrait améliorer leur condition de vie. Un beau sommet en perspective.
Yanis Thomas