"An apple a day keeps the doctor away" (manger une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours). Ce dicton anglophone résume bien l’état d’esprit des 289 personnes, soit 87% des 333 répondant-es à l’enquête de Silence, qui ont expliqué leur rapport à la santé et l’écologie. La majorité ne s’estime pas malade et se sent en "bonne santé". Leur recette ? Eviter les médicaments chimiques, avoir un mode de vie respectueux de l’environnement et être à l’écoute de son corps. Alors, manger une pomme par jour, oui, mais issue de l’agriculture biologique !
Premiers remèdes : la nourriture, le sommeil et le sport
La nourriture est l’un des premiers moyens de prévention des maladies. Ce lecteur de 62 ans en est persuadé. Avec sa compagne, il s’occupe de la maison et table d’hôtes Ana’Chronique installée dans le Puy-de-Dôme, où sont donnés des ateliers culinaires théoriques et pratiques. Leur philosophie est de "comprendre ce qui nous arrive quand nous sommes malades, puis nous mettons en place les protocoles naturels adéquats".
Un Rhôdanien de 57 ans a trouvé d’autres "médicaments non remboursés par la sécurité sociale" : "le sommeil, (…), la marche, le voyage (lent)…" ! Cette solution est adoptée au quotidien par la plupart des répondant-es : dormir, se reposer, laisser passer la maladie sans diagnostic médical, chanter, faire du sport (course à pied, qi gong, yoga, shiatsu)...
D’après ce même lecteur, "tout le système actuel est tourné vers la rentabilisation de la maladie. Un médecin n’a aucun intérêt à ce que vous guérissiez ! Donc bien garder cela en tête et essayer au maximum de se comprendre soi-même."
Trop de médicaments tuent l’environnement
La surmédicamentation grandissante dans les pays occidentaux a des conséquences sur l’environnement à long terme (1). En 2008, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconisait l’utilisation des médecines traditionnelles et complémentaires, aussi appelées alternatives ou douces, plutôt que les chimiques, car ces dernières nuisent aux êtres vivants (2). Une femme de 30 ans dans les Yvelines explique qu’elle a arrêté la pilule pour ces raisons (3). Un médecin, lecteur de Silence, basé en Belgique avoue même réduire sa consommation de médicaments et avoir désormais une "utilisation raisonnable, sobre, moins techno-centrée".
Dans les "médecines traditionnelles et complémentaires", l’OMS inclut l’homéopathie, l’acupuncture, la phytothérapie, la naturopathie, la médecine traditionnelle chinoise, l’ostéopathie, la chiropraxie... L’écrasante majorité des personnes qui ont répondu adoptent ces pratiques pour se soigner. Deux personnes pratiquent également le "jeûne thérapeutique".
Des choix différents lors de pathologies lourdes
La conscience écologiste devient plus compliquée lorsqu’il s’agit de pathologies lourdes. Une Allemande de 40 ans se pose la question : "On ferait peut-être autre chose... ou on se laisserait imposer des choix, car on ne serait pas (plus ?) assez fort pour bien réfléchir au sujet en profondeur". Cette personne, qui se soigne par l’homéopathie pour les "petites choses", est loin d’être un cas isolé. Certain-es avouent ne pas avoir le choix concernant les consultations de spécialistes (dentiste, ophtalmologue...) où les visites nécessitent une intervention technologique ou lorsque les maladies demandent des soins chroniques. Une lectrice de 37 ans, qui rentrait de l’hôpital lorsqu’elle a répondu au questionnaire, avoue qu’elle pense d’abord à sa survie avant les impacts environnementaux. Même chose pour cet habitant de l’Hérault, âgé de 55 ans, qui a dû subir une intervention chirurgicale à cause de problèmes de genoux. "Dois-je garder des douleurs dentaires et ne plus pouvoir marcher ?", se demande-t-il.
Obligation médicale ne veut pas dire abandonner son regard critique sur les prescriptions données. Une Ariégeoise de 65 ans refuse depuis le début son traitement médicamenteux pour soigner son "arythmie permanente", une maladie qui affecte le rythme cardiaque. "Cela va très bien, assure-t-elle. Je bois du citron pour fluidifier le sang, des infusions de plantes régulatrices (aubépine)".
Ne plus se faire dominer par la médecine
Une lectrice émet tout de même des réserves par rapport aux médecines alternatives, auxquelles elle ne croit pas. Pour autant, cette femme de 57 ans qui habite dans l’Hérault est persuadée "que la médecine allopathique actuellement est orientée pour enrichir les labos pharmaceutiques, les cliniques et certains praticiens". Sa solution : utiliser épisodiquement des médicaments génériques.
Le médecin québécois Serge Mongeau a plutôt des doutes sur l’utilisation des médecines douces par le corps médical : "Il se peut que nous n’y ayons pas gagné grand-chose, puisqu’il est fort possible que ces médecines seront pratiquées par nos médecins actuels. Et nous aurons alors des médecins qui disposent d’un plus grand éventail de techniques d’intervention, mais qui continueront à intervenir sur nous, à soigner nos symptômes, à nous considérer comme des assemblages de parties et à nous dominer" (5). Il poursuit : "Et, surtout, nous avons besoin de comprendre qu’un thérapeute ne peut jouer qu’un rôle secondaire et le plus souvent palliatif ; l’important serait de s’organiser pour avoir le moins souvent possible besoin de thérapeutes. (…) C’est dans nos façons de vivre, individuellement et collectivement, que nous pouvons trouver la santé".
La décroissance médicale, que Serge Mongeau prône notamment, se base donc sur de la prévention plutôt que la guérison (6). Ces manières de penser la santé (médecines douces et préventives) sont de plus en plus valorisées en Occident. Or, il ne faudrait pas oublier que notre système médical exploite les pays non-Occidentaux en les expropriant de leurs traditions médicinales par des brevets, alors que ce sont surtout eux qui utilisent depuis des millénaires ce savoir médicinal.
Manon Deniau
(1) Voir Silence n°399, mars 2012, « Maladies : des enjeux politiques ? », p.5. Les publics les plus touchés sont les enfants et les personnes âgées.
(2) Article « Uptake of Veterinary Medicines from Soils into Plants », écrit par Alistair Boxall, Chris Sinclair, Len Levy publié dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, avril 2006. Lire également l’article du cancérologue Dominique Belpomme dans Silence n°341, p.15.
(3) Silence nuançait fortement cette idée reçue dans son enquête « Pilule et pollution » (Silence n°393, septembre 2011, pp.15-16). La pilule n’a pas de conséquences environnementales majeures, par contre, l’industrie chimique si.
(4) Lire Serge Mongeau, « Les médecins contre la santé ? », Silence n°399, mars 2012, pp.7-8
(5) Lire le dossier « Décroissance et santé », Silence n°341, décembre 2006
(6) En 2008, le Centre européen d’information sur les médecines complémentaires et alternatives (EICCAM) notait que l’utilisation de cette médicamentation a "augmenté considérablement" ces vingt dernières années en Europe et estimait que plus de 100 millions de personnes européennes en utilisaient.