Lorsque l’on pénètre dans le magasin d’Envie, à Lyon, on trouve tout type d’appareils : cuisinières, frigos, machines à laver, TV, ordinateurs.... Ils sont d’occasion, ou neufs avec juste un défaut d’aspect, remis en état et garantis un an, à des prix avantageux. Du point de vue citoyen solidaire et écolo, outre la possibilité de payer en gonette, monnaie locale, l’intéressant se passe aussi en amont, sur le site technique de Villeurbanne.
Réparer, recycler, lutter contre le gaspillage
L’activité se déploie selon un processus bien rodé. Collecte des appareils défectueux ou abîmés, principalement chez les grandes surfaces de distribution. Déchargement des camions, manipulations, tris. Evaluation de ce qui peut être réparé sans trop de difficulté : pour cela explique Florent Petelat, responsable production, « il faut les compétences très pointues de nos deux encadrants techniques, qui sont très bons ». Puis, selon les cas, réparation, remplacement des pièces manquantes, nettoyage, remballage, expédition au magasin où les appareils rénovés seront vendus à nouveau, livrés et installés chez les clients. Ou bien démontage des appareils pour récupérer tout ce qui alimente le « gisement de pièces détachées à réutiliser ». Le reste sera recyclé dans le respect de la réglementation, autre volet important de l’activité du groupement Envie Rhône-Alpes (Rhône + Loire).
Du côté du Service après-vente, en plus de la garantie de un an sur tous les produits vendus au magasin, Envie Rhône développe depuis 2015 une nouvelle offre. Elle consiste à proposer aux particuliers, pour des appareils en panne et hors garantie, un service de réparation, sur devis, avec une nouvelle garantie de un mois après la remise en état. Les tarifs sont là aussi très avantageux, le coût du devis (30 €) est déduit de la facture ultérieure. Les interventions se font en priorité avec les pièces d’occasion récupérées. Ce nouveau service remporte déjà un succès certain et devrait se développer encore, relançant le secteur en déshérence de la réparation.
Lutter contre l’exclusion
« Aujourd’hui, il suffit de ne pas posséder le permis de conduire ou d’avoir connu une longue période de chômage suite à une maladie pour avoir du mal à trouver un emploi. Et notre raison d’être, c’est d’aider à l’insertion de personnes éloignées de l’emploi par ce type d’accidents de la vie » explique Djamila Ainas, actuellement chargée d’insertion. Envie Rhône fonctionne ainsi avec une vingtaine de personnes, de tous âges, surtout des hommes, en CDD d’insertion. Sur une durée moyenne de 12 à 14 mois, elles suivent un parcours leur permettant d’acquérir compétences techniques, méthodes de travail, « savoir être », confiance en soi.
Les divers métiers du groupe Envie Rhône-Alpes (opérateurs de production, agents de quai, manutentionnaires, caristes, chauffeurs, vendeurs etc.) permettent aussi de développer leur polyvalence. Un accompagnement précis, sous la responsabilité directe de deux encadrants techniques, permet à 65 % d’entre elles d’intégrer un emploi ou une formation. Pour les autres, « l’évaluation des bénéfices est plus difficile mais ils existent presque toujours. Les personnes repartent plus solides professionnellement qu’à leur arrivée » poursuit Djamila. Depuis sa création, Envie Rhône a permis à plus de 600 personnes un retour à l’emploi durable.
Agir sans attendre, dans le monde tel qu’il est
Depuis 2014, Envie Rhône vend aussi via le site internet Le Bon Coin. « En tant qu’association loi 1901, nous n’avons pas le droit de faire de la publicité. Le Bon Coin permet donc de dynamiser nos ventes. Cela peut aller jusqu’à 25% de vente par ce canal sur certains types de produits » commente Matthieu Frieh, chargé de communication. C’est que, comme toutes les structures du réseau, Envie Rhône se doit d’être rentable, avec un auto-financement de 80% et 20% d’aides de l’Etat pour les postes en insertion. Son but n’étant pas de réaliser des bénéfices, les profits sont entièrement réinvestis pour développer la formation, l’insertion, améliorer les conditions de travail. « Pourquoi pas aussi passer à une flotte de camions électriques mais pour un aussi gros investissement, il nous faudrait l’aide d’un partenaire » poursuit Matthieu.
Le réseau Envie est fier de figurer parmi les pionniers de « l’économie circulaire », de proposer à chacun-e une alternative au « jetable » et une occasion de faire acte de solidarité. Pour autant, il ne s’inscrit pas en rupture avec le système de production/consommation dont on sait bien qu’il faudra sortir pour résoudre les problèmes à la racine. Mais d’ici la sortie, que fait-on ? Les réponses divergent. Celle de Envie consiste, dans l’esprit de ses origines, à agir sans attendre et à miser, envers et contre tout, sur « des hommes de bonne volonté ».
Danièle Gonzalez
• Magasin Envie Rhône, 12 rue de Cronstadt, 69007 Lyon, tél : 04 72 71 71 52, rhone.envie.org
En 2006, la législation européenne sur les DEEE entre en application et offre au réseau Envie l’opportunité préparée de longue date de pouvoir exercer sa mission à une échelle bien plus importante. Les producteurs doivent assumer une « responsabilité élargie » envers l’environnement : prendre en charge les déchets produits par leur activité, avec obligation de reprise de tout ancien produit à l’achat d’un nouveau. Ils s’organisent pour cela en éco-organismes agréés par les pouvoirs publics. Envie Rhône se développe alors à l’interface entre les différents acteurs de la filière : producteurs, distributeurs, éco-organismes et consommateurs.
Pour s’informer sur les enjeux écologiques de la filière, le rapport du Cniid (Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets) et des Amis de la Terre, paru en 2010 est toujours très éclairant : « L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage. Cas des produits électriques et électroniques ».