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Aux éditions La Marge, chaque livre est vraiment unique

Juliette Kempf

Aux éditions La Marge, chaque exemplaire des livres a une couverture unique. Réalisée par des lectrices et lecteurs à partir de matériaux récupérés. L’idée est venue d’Argentine.

L’association La Marge s’inscrit dans le réseau des cartoneras, encore peu nombreuses en France, basées sur le recyclage du carton pour la fabrication des livres. Ce mouvement est né en Argentine, après la crise de 2001. Buenos Aires avait alors vu grandir sa population de cartoneros, ces familles qui ramassent et trient les déchets recyclables – notamment les cartons – afin de les revendre pour des sommes modiques.
En 2003, l’écrivain argentin Washington Cucurto et le plasticien Javier Barilaro ont fondé les éditions Eloisa Cartonera, qui sont devenues une coopérative autogérée, et ont commencé à racheter aux cartoneros la matière première. Le livre en carton était inventé.
Flora a découvert le principe de la cartonera lorsqu’elle a vécu en Argentine. De retour à Angers, elle a proposé l’idée à ses acolytes. L’idée a plu, car elle réunit différents centres d’intérêts : la littérature, l’art plastique, la dimension locale, sociale, participative, le fait d’ouvrir un lieu où se retrouver… L’association a été créée en 2013, sur un fonctionnement collégial, sans président, et finance la location de son local grâce à la vente des livres et aux animations extérieures.

Des ateliers où l’on « fait ensemble »

Les ateliers où l’on « fait ensemble » sont l’essence du projet. Ils se déroulent tous les samedis de 14h à 18h, et tous les jeudis de 17h à 20h. Les bénévoles se relaient pour accueillir les curieux, de tous âges, souvent sensibles à la question du recyclage, avec l’envie de découvrir, d’apprendre à faire par soi-même, de partager.
On se laisse inspirer, en choisissant parmi la quinzaine de titres édités par La Marge, un livre dont on illustre la couverture. Ou on fabrique le livre lui-même, avec une couverture qui a été confectionnée lors d’un atelier précédent. Dans les deux cas, on laisse sa réalisation sur le lieu, et si on le souhaite on achète un livre déjà existant, au prix unique de 5 euros. Le catalogue présente deux romans, plusieurs recueils de nouvelles, de poésie, des contes et des albums jeunesse. Le premier tirage de chaque livre se fait à 50 exemplaires.
Le stock de matériel s’est constitué très vite, entre le carton qui se trouve facilement, et de grands sacs de chutes de tissu récupérés. Il y a aussi l’idée de fabriquer son propre papier sur place, mais elle reste en suspens, faute de temps. Il y a quasiment toujours du monde lors des ateliers – et jamais les mêmes ! Simon et Flora donnent régulièrement des animations « à l’extérieur », dans des lieux tels que des médiathèques, l’hôpital psychiatrique d’Angers, une maison de retraite, des quartiers populaires…
Je participe un petit moment à l’atelier ouvert, auquel sont venues trois femmes, entre 40 et 65 ans. En quelques minutes, on se sent chez soi. La concentration autour du carton qui deviendra livre plonge effectivement dans une contemplation douce et paisible, comme nourrissant un sentiment de bienveillance envers ce qui nous entoure. C’est finalement le lien qui fonde l’association, la relation directe autour d’un objet aimé – le livre –, plus que de grands discours politiques.

Juliette Kempf

La Marge, 7, rue de Frémur, 49000 Angers, www.atelierlamarge.fr.

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