Une bombe ! Le rapport (1) publié cet été par l’ANSES — l’Agence de sécurité sanitaire française — sur l’exposition des agriculteurs aux pesticides est une vraie bombe ! Et de gros calibre : 1000 pages réparties en 7 volumes, résultat de 5 années de travail d’un groupe d’une douzaine d’experts après une auto saisine de l’ANSES en 2011. L’accouchement de cette somme a pourtant été long et douloureux. La publication en avait été initialement prévue en octobre 2015, puis reportée en juin 2016… pour finalement intervenir le 25 juillet 2016 ! Ces reports avaient inquiété Générations Futures qui craignait un enterrement de première classe. Notre appréhension était d’autant plus grande que, plusieurs mois après le bouclage du rapport, deux des experts avaient exprimé tardivement une position divergente du reste du groupe et demandé à ce qu’elle soit annexée au rapport. Les conflits d’intérêt d’un de ces deux experts avec l’industrie faisaient craindre le pire…
Pourtant, l’ANSES a fini par publier le rapport… en plein cœur de l’été. Cette volonté de discrétion a été ruinée par la volonté de la Ministre de l’environnement, Ségolène Royal, de se le faire remettre officiellement et de tenir ensuite une conférence de presse ! Pour la discrétion c’était définitivement raté et son contenu allait enfin pouvoir être largement communiqué…
Conflits d’intérêt à tous les étages
Je vous en livre les éléments clés. On parle d’un million de professionnels du secteur agricole « potentiellement exposés », mais les données sont « lacunaires et aucune organisation en France n’est en charge de les produire ». De nombreuses situations conduisant à une exposition aux pesticides ne sont pas prises en compte et « peu de connaissances existent sur les caractéristiques et les effets potentiels des combinaisons de pesticides » que reçoivent ces travailleurs. Le rapport éreinte également les politiques de prévention des risques qu’il juge trop centrées sur des déterminants relevant du comportement individuel, comme le port d’équipement de protection individuel (EPI), au détriment d’autres déterminants de l’exposition. Le conseil aux agriculteurs dans ce domaine est critiqué par le rapport qui le juge trop souvent « confié à des personnes appartenant à des entreprises dont les bénéfices commerciaux sont directement dépendants de l’usage de pesticides », de même que la formation et particulièrement le « Certiphyto » (2) sont jugés insuffisants. Le rapport critique également l’homologation des pesticides reposant principalement « sur des études générées par les fabricants de pesticides, n’ayant généralement pas donné lieu à des publications scientifiques selon une procédure de relecture par des pairs ». La critique est rude mais le rapport apporte aussi des recommandations dont la plus importante est sans doute de ‘« diminuer l’usage des pesticides avec l’objectif explicite de réduire les expositions professionnelles des personnes travaillant dans l’agriculture ». Aux acteurs de l’environnement et de la santé de se saisir de ce rapport maintenant pour obtenir enfin les actions qui s’imposent !
François Veillerette
Générations Futures
www.generations-futures.fr
1 - https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2011SA0192Ra.pdf
2 – Certiphyto est un certicat délivré aux personnes habilitées à l’utilisation, la distribution, le conseil et la vente de produits phytosanitaires.