Molokai appartient à l’archipel d’Hawaï, confetti de l’empire états-unien au milieu de l’océan pacifique. Si, à la différence de ses voisines, l’île a su résister à l’invasion du tourisme de masse, c’est peut-être parce que plus de la moitié de ses habitant-es sont des natifs (1). Pour défendre son île, la population de Molokai n’a jamais cessé de se battre.
Victoires écologiques
Les habitant-es sont arrivés à empêcher l’extension de l’aéroport de l’île, ainsi que le projet d’augmenter la profondeur du port. Ainsi, ni les gros avions ni les gros bateaux ne peuvent accéder à l’île. Une autre bataille concerne les infrastructures touristiques de la plage de Kepuhi : depuis 20 ans, la population empêche la mise sur pied d’une zone de bungalows, d’un golf et de piscines dans cette partie la plus sèche de l’île.
Durant les années 1970, des habitant-es se sont battus pour récupérer l’accès à des zones de chasse qui étaient alors privatisées par un gros propriétaire terrien. Certains activistes se sont retrouvés de nombreuses fois devant les tribunaux pour chasse illégale. (2)
« Tout est relié à l’aloha »
« Notre arme est l’aloha, explique Walter Ritte, activiste écologiste de longue date. Pour nous tout est relié à l’aloha, l’amour. L’amour pour la terre. Si quelqu’un vient la détruire, nous devons la défendre ».
Y compris contre l’armée des Etats-Unis. Dans les années 1970, la population d’Hawaï mène une lutte victorieuse sur la petite île de Kahoolawe, que le gouvernement états-unien utilise comme zone d’entraînement militaire. Des activistes mènent des expéditions sur l’île pour empêcher les exercices de tir. Lors de l’une d’entre elles, Walter Ritte reste 35 jours caché sur l’île jusqu’à ce que l’armée annule les bombardements. La lutte pacifique se poursuit jusque dans les années 1990 et l’abandon par l’armée des manœuvres militaires.
Une autre victoire momentanée est celle contre la construction d’un télescope géant au sommet de Mauna Kea, la montagne sacrée. Le projet est pour le moment suspendu.
La grande lutte actuelle demeure celle contre Monsanto. Les habitant-es de Molokai ne sont pas encore parvenu-es à chasser le géant de l’agrochimie, qui dispose de grandes surfaces de cultures expérimentales d’OGM. L’usage massif de pesticides qui leur sont associés provoque des dommages sanitaires sur la population et l’environnement. Les habitant-es se mobilisent actuellement via des manifestations et des procédures juridiques. La force de l’aloha continue à les inspirer.
Guillaume Gamblin
(1) Contre 6% pour l’ensemble de l’archipel.
(2) Le combat est parfois mené contre les habitant-es des îles voisines. De même pour la pêche, ayant surexploité les poissons au large de leurs côtes, ces derniers viennent pratiquer la pêche intensive au large de Molokai… La population se mobilise pour empêcher ces pêcheurs d’agir. C’est le seul cas où des épisodes de violence ont eu lieu.