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Festina lente, toutes voiles décroissantes dehors

Manon Deniau

Une équipe d’artistes et de marins est partie vivre un an à bord de quatre voiliers, faisant le pari d’expérimenter un mode de vie décroissant, écologique et itinérant jusqu’à août 2017, avec escales en Méditerranée et Océan Atlantique.

Il leur a fallu deux ans de préparation pour mettre à flot ce projet dénommé « Festina Lente » — « hâte-toi lentement » en latin —. Depuis mai 2016, 21 artistes et marins se trouvent à bord de quatre voiliers et ce, pendant plus d’un an.
Cette expérience, la plupart l’avaient déjà vécue il y a trois ans lors du festival itinérant à voiles l’Armada 2013 organisé par le collectif d’artistes Formation Alternative Autogérée aux Arts du Cirque (FAAAC) en mer Méditerranée. L’objectif était de faire rencontrer, pendant deux mois, plus de soixante artistes et marins avec un public à chaque fois différent.

Se jeter à l’eau

Un petit groupe de personnes se forme dès l’aventure finie. Tous et toutes n’ont qu’une envie : pérenniser l’idée et en faire un véritable mode de vie décroissant « plutôt qu’une simple parenthèse », explique Soizic Séon, illustratrice et peintre, qui fait partie du noyau fondateur.
Comme elle, les vingt autres personnes, dont la moyenne d’âge est de 30 ans, ont tout laissé tomber pour s’engager pleinement dans l’aventure : leur boulot, leur maison, leur sécurité financière et leur confort. « On se jette à l’eau, sourit la jeune femme qui a fait des études d’éducation à l’environnement. C’est ce qui fait notre force. Nous avons fait un choix en cohérence avec nos pensées. » Sur le bateau, de la gestion des stocks à la mise en place d’une caisse commune en passant par l’utilisation raisonnée de l’eau, tout se réfléchit et se discute. L’équipe quasiment paritaire travaille sans hiérarchie. Et tout le monde met à contribution son savoir-faire.
Leur périple se fera principalement grâce au vent (1). Cette vulnérabilité face à la mer a remis Soizic Séon à sa place : « Le milieu artistique est parfois égocentrique, on passe son temps à se regarder. Là, on se prend une claque. Nous sommes très vulnérables et à cause de cela, nous devons prendre le temps de faire les choses, rien que pour notre sécurité. » Un éloge à la lenteur à peine voilée.

Des villages éphémères à chaque escale

Les bateaux traversent la mer Méditerranée jusqu’en octobre 2016, puis direction le Maroc, les Canaries et le Cap-Vert. Dernière étape par l’Océan Atlantique prévue pour l’été 2017. À chaque escale portuaire, l’équipe crée un village éphémère avec du cirque, de la danse, de la musique, des projections de films ainsi que des ateliers scolaires et des collaborations artistiques locales. La démarche ne se revendique pas militante mais les spectacles abordent des sujets de société comme la condition des femmes dans les cabarets, les rapports de domination, l’exil, les problèmes administratifs des réfugié-e-s…
En parallèle à ces animations, des stands buvette et restauration sont installés à proximité. Cohérence jusque dans l’assiette, l’équipe souhaite proposer de la nourriture locale issue de l’agriculture biologique. « Je me sens en phase avec mes idées », se réjouit Soizic Séon, même si le public n’y est pas forcément sensibilisé.
Pour le moment (2), les retours sont très positifs. « Nous aimerions que Festina lente fasse des petits, nous avons déjà mis en contact plusieurs personnes », s’enthousiasme Sylvain Pascal, artiste de cirque. Si cette équipe de « grands rêveurs » a su réaliser un projet « aussi gros » selon Soizic Séon, c’est qu’il est possible à toutes et à tous de se « bouger les fesses » et d’oser prendre ce risque.

Manon Deniau

(1) L’entrée dans les ports se fait réglementairement avec un moteur diesel.
(2) Silence a contacté Festina lente en juin 2016. Leurs escales ne s’étaient faites qu’en France, à Sète, la Grande-Motte et Marseille.

Contact : Vous pouvez suivre leur trajet sur le site internet http://www.festinalente2016.net/, Facebook et adresser vos courriers aux capitaineries des ports dans lesquels ils s’arrêtent (indiqués sur Internet).

L’Odyssée des alternatives met le cap vers la COP 22

Une « odyssée des alternatives » traversera la mer Méditerranée en ferry pendant une dizaine de jours fin octobre. L’aventure a été nommée « Ibn Battûta », du nom d’un explorateur marocain du quatorzième siècle peu connu des Occidentaux. Sept organisations des deux côtés de la rive, qui se préoccupent des causes environnementales, en sont les initiatrices : Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Immigration Développement et Démocratie (IDD), Forum Démocratique National, Alternatiba... pour ne citer qu’elles.
Le cap du voyage ? La Conférence des Parties (COP) 22, qui se tiendra du 7 au 18 novembre à Marrakech, au Maroc. Avec un objectif commun, celui de regrouper les forces pour se mobiliser contre les inégalités face au changement climatique. « Ce dernier révèle et accentue les rapports de domination Nord-Sud », estime Guillaume Durin, l’un des coordinateurs du projet. Cette année, la COP 22 abordera la question des migrations climatiques, de la gestion des ressources naturelles, de la souveraineté alimentaire, de la préservation des écosystèmes ou encore de la gestion des conflits. Des phénomènes tous liés les uns aux autres et dont les conséquences sont surtout visibles dans le Sud. Les populations migrent pour le moment vers des pays frontaliers. Et l’Occident s’en préoccupe peu. « Qu’est-ce qu’on attend ? », demande Guillaume Durin, également animateur du groupe de travail international d’Alternatiba.
Ces problèmes, comme l’acidification des océans et les sécheresses, impactent déjà le quotidien des habitant-e-s. « C’est de l’écologie concrète. Ils le vivent dans leur chair », explique-t-il. Le départ du voyage se fera dans le Sud de la France où embarqueront environ 200 personnes venues d’Europe. Lors des escales, notamment en Italie, Espagne, Tunisie et Maroc, des porteur-se-s d’initiatives seront invité-e-s à les rejoindre et parler de leurs idées de résilience. Plus de trois cent militant-e-s sont attendu-e-s à bord.

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