Est-ce que les lecteurs-trices de Silence font un lien entre l’éducation qu’ils-elles ont inculqué à leurs enfants et leurs propres valeurs écologistes ? Les personnes ayant répondu, féminines majoritairement, ont détaillé leur pensée et un débat intéressant en est ressorti.
Sensibiliser les nouvelles générations aux causes écologistes sonne comme une évidence pour plusieurs d’entre eux-elles. « L’éducation est la base fondamentale d’un meilleur avenir, acquérir au plus tôt les bonnes pratiques sera d’autant plus facile après [pour] avoir un comportement qui préserve l’environnement », résume cette femme de 32 ans, habitant dans le Jura. Pourtant, l’éducation militante écologiste semble assez récente. Un lecteur du Rhône âgé de 72 ans informe qu’il y a une trentaine d’années, cette idée lui paraissait loin d’être naturelle lorsqu’il éduquait ses enfants.
Influence de l’éducation à l’âge adulte
Ce n’est qu’avec le temps, et du recul, que l’influence de l’éducation se confirme. Plusieurs témoignages sont éclairants à ce sujet. « C’est sûr et certain que [mes enfants] ont été [sensibilisés à l’écologie]. Et d’ailleurs eux-mêmes aujourd’hui éduquent leurs enfants de manière plutôt sobre et écolo, assure cette lectrice ariégeoise de 65 ans. Mon discours et mes choix ont toujours donné la priorité aux solutions écolo économiques et sociales. Mais cela n’a pas été une contrainte. C’est le contraire qui l’aurait été. »
Où réside la part de transmission et de libre arbitre ? Une iséroise de 63 ans, mère de deux filles, apporte un autre point de vue : « Dans quelle mesure je suis responsable de leurs choix actuels ? Je ne sais pas mais je suis fière de leurs choix et j’y adhère. » Parfois, ces valeurs sont rejetées à l’adolescence et oubliées à l’âge adulte. « Ils suivent leur propre voie, parfois pas en accord avec la nôtre (féminisme mais désir de voyager loin et donc avion pour notre fille par exemple, smartphone pour les deux) », exprime cet homme de 55 ans dans l’Hérault.
Éducations alternatives...
La notion d’éducation fait directement penser au système éducatif, que ce soit sous contrat avec l’Éducation nationale ou non. La plupart des personnes qui ont répondu au questionnaire, avec ou sans enfant, adhèrent à l’esprit des écoles enseignant les pédagogies Montessori, Freinet, Steiner-Waldorf ainsi que les écoles nouvelles. Tous ces modèles éducatifs prônent le développement de l’enfant à son rythme, avec l’enseignant comme figure de soutien et non d’autorité. Les notations et devoirs y sont proscrits.
D’autres lecteurs-trices ont également cité une crèche parentale, l’école maternelle la Maison des enfants Sequana basée dans le douzième arrondissement de Paris qui s’inspire de la pédagogie Freinet ainsi qu’un lycée alternatif. Un homme originaire de Loire-Atlantique a préféré une école Diwan, où l’enseignement se fait en bilingue breton : « Pas forcément écolo mais différent assurément. » Une démarche qui s’ancre déjà dans une alternative sociétale (1).
Ces méthodes apportent « une vision qui respecte la personne dans son intégrité, qui l’aide à créer un esprit critique, éveillé et libre et qui ne contribue pas à en faire un consommateur-acteur du capitalisme », estime cette personne iséroise de 35 ans qui n’a pas souhaité donner son genre. Voilà en quoi cela est relié à l’écologie. Un rhodanien de 57 ans s’interroge néanmoins sur cette notion : « Qu’est-ce qui est écologique ? Une certaine mixité sociale (biodiversité) de l’école publique ou l’unicité (monoculture) des écoles alternatives ? Pas de réponse évidente ! »
… et alternatives à l’éducation
L’éducation ne se résume pas qu’à l’institution scolaire. Elle véhicule, selon les lecteurs et lectrices, des valeurs d’écoute de soi, des autres, de son environnement et de communication non-violente. Cette femme de 34 ans vivant dans la Drôme pense d’ailleurs à déscolariser ses enfants afin de mieux pouvoir développer leur éveil au monde. « L’apprentissage de la bienveillance envers la nature est lié à la bienveillance envers les humains qui font partie de cette nature », estime-t-elle. Plusieurs personnes se disent intéressées par l’éducation lente (2).
Comme premier pas vers une sensibilisation écologique, l’exemple de l’alimentation biologique est principalement donné. Un couple du Val-d’Oise s’est mis à manger de la nourriture locale et a crée un potager dans son jardin, précisément pour ses enfants. Ensuite viennent les autres pratiques pêle-mêle : couches lavables, recyclage, récupération de vêtements, de jouets... En une phrase, pratiquer la « simplicité volontaire ».
Montrer l’exemple pour les générations futures
Être parent confère la responsabilité de montrer l’exemple. Or se sentir responsable, ne serait-ce pas arrêter de faire des enfants par valeur écologiste ? Une girondine de 29 ans soulève ce point : « Je suis pour la démographie "consciente". Donc je souhaiterais adopter et non me reproduire, car on est déjà beaucoup ! D’ailleurs, je trouve que le sujet de la démographie est trop peu abordé par les mouvements militants. » Ce tabou avait déjà été évoqué par Silence (3). Cependant, le problème semble venir plutôt de notre façon de consommer et de produire que du nombre de personnes vivant sur Terre. Attirer l’attention sur ces enjeux se fait avant tout par la pédagogie, qu’elle soit adressée aux petits ou aux grands.
Un Rhôdanien de 57 ans résume bien toutes les interrogations qu’a fait surgir la question de l’éducation et de l’écologie parmi les répondante-e-s : « Qu’est-ce qui est écologique ? Une certaine mixité sociale (biodiversité) de l’école publique ou l’unicité (monoculture) des écoles alternatives ? Pas de réponse évidente ! »
Manon Deniau
(1) Lire « Que vivent nos 75 langues régionales ! », Silence, n°429, décembre 2014
(2) Lire « Éducation lente », Silence, n°382, septembre 2010 et « Apprendre sans école », Silence, n°378, avril 2010
(3) Lire « Décroissance et démographie », Silence, n°389, avril 2011, p.14