Tout a commencé en mai 2012, quand Monsanto a présenté un dossier auprès de l’agence allemande chargée de la réévaluation du glyphosate, le BfR. Ce dossier contenait, entre autres, cinq études sur la cancérogénicité effectuées sur des souris de laboratoire. Toutes les études signalent l’apparition de tumeurs malignes aux reins, aux ganglions lymphatiques.... Pourtant le dossier présenté par Monsanto de mai 2012 concluait que le glyphosate n’aurait « aucun potentiel oncogène ». Le BfR dans son Rapport d’évaluation a suivi sans sourciller cette conclusion de même que l’Agence sanitaire européenne, l’EFSA.
Rompant cette belle unanimité, le Centre International de Recherche sur le Cancer (une branche de l’Organisation Mondiale de la Santé) a annoncé le 20 mars 2015, après avoir examiné près de 1000 études publiées dans des revues scientifiques pendant un an, qu’il considérait le glyphosate « comme probablement cancérogène pour l’homme » ! Cet avis a fait l’effet d’une bombe car le règlement 1107/2209 sur les pesticides prévoit que les substances actives pesticides classées cancérigènes ‘certaines ou probables’ ne peuvent pas être réautorisées ! D’un seul coup c’est donc l’avenir du glyphosate qui se trouvait en danger !
Néanmoins le BfR et l’EFSA ont continué à prétendre que les études montrant des cancers chez les souris exposées au glyphosate seraient sans valeur scientifique et que des études fournies par l’industrie — mais non publiques ! — montreraient, elles que le glyphosate n’est probablement pas cancérigène. Un toxicologue allemand a montré dans un rapport que ces arguments du BfR étaient biaisés, les démontant un à un. Une vidéo de We Move Europe a repris ces arguments et a été vue en ligne par plus de 5 millions de personnes dans l’Union européenne. Sur cette base Générations futures a déposé une plainte pour tromperie aggravée devant le procureur de la République de Paris.
Controverses scientifiques et lobbying industriel
Pendant ce temps-là, la controverse scientifique a fait rage. Fin 2015, 96 scientifiques de haut niveau écrivent au Commissaire européen en charge du dossier leur inquiétude sur la façon dont le glyphosate a été évalué. Une polémique entre l’EFSA et le CIRC s’est mise en place alors que des rapports visiblement sous influence de l’industrie étaient publiés, notamment par l’Agence de protection de l’environnement américaine. Leur but : influencer le vote des Etats membres européens qui devaient se prononcer pour ou contre la ré-homologation du glyphosate.
Ces pressions n’ont heureusement pas suffit à entrainer la décision pour 15 années supplémentaires, comme le demandait Monsanto. Au contraire, en mars puis en mai 2016, le Commission européenne a échoué par deux fois à obtenir la majorité qualifiée nécessaire dans le Comité européen examinant ces questions. De nombreux Etats membres conduits par la France et la Suède ont en effet refusé de voter pour l’autorisation.
A l’heure où j’écris ces lignes on ne sait pas encore si la Commission européenne parviendra à trouver un moyen pour prolonger, ne serait-ce que de quelques mois, l’autorisation du glyphosate, qui doit prendre fin dès le début juillet 2016. Ce qui est certain c’est qu’elle aura réussi, malgré elle, à prouver que l’évaluation des pesticides en Europe souffre de défauts majeurs !
François Veillerette
En partenariat avec : www.generations-futures.fr