En ce printemps 2016, un calendrier électoral particulièrement chargé a réuni devant les urnes plusieurs états africains dont un certain nombre de régimes clés de la « Françafrique ».
Si au Bénin et au Niger, les « candidats de la France » ont connu des destins contrastés (défaite de l’ami de Fabius, Lionel Zinsou, réélection dans un climat d’extrême défiance du favori d’Hollande, Mahamadou Issoufou), au cœur du pré carré les scénarios ont été plus prévisibles. Le 20 mars 2016, le Congo a subi un énième passage en force du clan Sassou Nguesso dans un climat de black out, suite à la coupure des réseaux de télécommunications par le régime. Le 8 avril, à l’issue d’une campagne particulièrement sanglante, Djibouti restera sans surprise aux mains d’Ismaïl Omar Guelleh tandis que le Tchad a subi un nouveau hold-up électoral opéré par Idriss Déby, le 10 avril.
Djibouti, Tchad, Congo-Brazzaville, mais aussi Gabon (où l’élection présidentielle aura lieu en août prochain) ces dictatures jouent un rôle central dans le dispositif militaire français en Afrique, dont l’importance stratégique a été réaffirmée depuis 2012 et les « guerres africaines » de François Hollande. Instrumentalisant à l’envi la quête de sécurité, le Président de la République française et ses ministres s’allient au nom de la « guerre contre le terrorisme » à des régimes qui servent surtout les intérêts économiques et stratégiques tricolores. Comme l’a révélé récemment Médiapart en publiant des extraits d’un rapport confidentiel défense sur le Tchad, et comme l’exprimait déjà le rapport d’information Fromion de l’Assemblée nationale en 2014, cette politique est tout à fait assumée et promue par les diplomates et les militaires, au mépris des droits économiques et politiques des populations concernées.
Dans son nouveau rapport Élections en Françafrique – La coopération militaire française au service des dictatures, disponible sur son site, Survie met en regard les pratiques de ces régimes avec une composante essentielle et souvent méconnue et minimisée de leur relation avec la France, la coopération militaire et policière, qui implique au moins indirectement les autorités françaises dans les exactions relevées.
La présence de coopérants militaires français opérant sous uniforme tchadien ou congolais en qualité de conseillers des responsables des armées ou qui délivrent des formations depuis des décennies à des forces dont les méthodes habituelles confinent aux actes criminels, demeure un véritable scandale.
Si le départ de l’armée française du sol africain, que ce soit des bases permanentes ou des opérations extérieures provisoires, paraît encore un horizon lointain, la suspension de la coopération militaire et sécuritaire avec des régimes oppresseurs de leurs peuples doit devenir une exigence citoyenne immédiate, partagée et relayée dans l’espace public. Comme l’ont montré les Burkinabè et comme de nombreux militants tchadiens, congolais, djiboutiens, gabonais s’attellent à le faire, dictatures et Françafrique ne sont pas des fatalités.
Fabrice Tarrit
Survie, 107, boulevard Magenta, 75010 Paris, http://survie.org