"Au Mali, ce sont les hommes qui s’occupent de la terre. L’association dont je suis présidente a organisé de nombreuses actions pour favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière. Nous aidons les femmes à se regrouper en association et à aller voir le chef du village pour qu’il leur donne un lopin de terre. Cela a permis à des groupes de femmes d’accéder à des titres de propriété.
Dans mon association, nous cultivons beaucoup d’oignons, des légumes et des gombos, la base de notre alimentation. Nous avons choisi les oignons parce qu’à cause du changement climatique, les températures sont si élevées qu’il est devenu impossible de cultiver pendant la saison chaude : quelle que soit la technique d’arrosage, les fleurs tombent et ne produisent pas de fruits. Or, nous pouvons conserver les oignons jusqu’à quatre mois après la récolte, ce qui nous permet d’améliorer nos revenus et de ne pas avoir à acheter des oignons importés.
Nous promouvons l’agroécologie parce que nous, les femmes, n’avons pas les moyens de nous payer des engrais chaque année. Nous constatons aussi que ces produits chimiques appauvrissent les sols : quand nous les appliquons, nos rendements diminuent l’année suivante. Nous nous inspirons du savoir-faire de nos parents. Un jour que j’étais confrontée à une invasion d’insectes dans mes cultures de gombos, et que les insecticides n’avaient eu aucun effet, j’ai demandé conseil à ma mère. Elle m’a accompagnée au champ, a examiné un insecte, a montré une plante du doigt et m’a dit : “Prends ça, pile-le et met-le dans de l’eau. Ça ne tue pas les insectes mais ça les chasse.” Je ne savais pas qu’elle connaissait tout cela !
Nous parlons beaucoup avec nos filles, nous les encourageons à se lancer dans l’agriculture. Notre objectif est que les femmes gagnent de l’argent, parce que nous avons constaté que si la femme contribue aux besoins de sa famille, cela lui donne un certain pouvoir vis-à-vis des hommes".
Propos recueillis par Emilie Massemin