Le 1er mars 2016, la Cour constitutionnelle de transition de la République centrafricaine valide les résultats du second tour de l’élection présidentielle, portant Faustin Archange Touadéra, ancien Premier ministre de 2008 à 2013, à la tête du pays avec plus de 60 % des suffrages. C’est un soulagement pour les autorités françaises, qui poussent depuis des mois pour la tenue de ce scrutin.
Pour elles, l’enjeu est de taille : il s’agit de pouvoir annoncer fièrement que l’opération militaire Sangaris, lancée en décembre 2013, a accompli sa mission et que l’ordre constitutionnel a été rétabli dans ce pays d’Afrique centrale en proie à une guerre civile depuis décembre 2012. Après l’opération Serval au Mali, voici donc une nouvelle « victoire » pour un François Hollande qui s’accommode parfaitement de son habit de chef des armées. Or, de même que pour l’opération Barkhane en août 2014, qui a pris la suite de Serval (déclenchée en janvier 2013), en métastasant des soldats français du Tchad à la Mauritanie, le bilan de l’opération Sangaris semble bien loin des déclarations enthousiastes des chargés de communication de l’Élysée et du ministère de la Défense.
Un retour à la normale artificiel
En effet, l’idée d’un retour à la normal véhiculée par l’élection d’un nouveau président est pour le moins artificielle. Des groupes armés tiennent encore de larges portions du territoire centrafricain, surtout dans le nord et l’est du pays, limitant l’action de l’état. Bien que moins nombreuses qu’à la période 2013-2014, des exactions envers les populations civiles ont encore régulièrement lieu, maintenant un climat d’insécurité permanent dans bon nombre de villes de province. Par ailleurs, la question des réfugiés et des déplacés internes est toujours particulièrement prégnante, leur retour sur leur lieu de vie étant un enjeu majeur pour arguer d’une véritable sortie de crise. Autant d’éléments, ajoutés à une situation humanitaire globale préoccupante, qui rappelle que le bout du tunnel est encore loin pour les centrafricains.
Alors pourquoi cet optimisme ? Tout simplement parce que l’annonce d’une victoire permet de tirer un voile sur les zones d’ombre de cette intervention militaire. Un moyen habile pour ne pas s’interroger sur l’ingérence de la France en Centrafrique. L’histoire, grandement méconnue, nous rappelle pourtant combien notre pays a pu peser au fil des décennies, depuis la colonisation jusqu’à nos jours, sur le devenir de cet état. Il est donc essentiel, afin que cette histoire et ses pages récentes ne sombrent pas définitivement dans l’oubli, de ne pas céder aux sirènes de l’auto-congratulation mais bien de chercher à faire toute la lumière sur ce qu’a fait la France dans ce pays emblématique du système de la Françafrique.
Yanis Thomas
Auteur de Centrafrique : un destin volé. Histoire d’une domination française. Agone, paru le 15 avril 2016.
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