« La tierra y las mujeres no somos territorios de conquista », peut-on lire sur les pancartes lors d’une des nombreuses manifestations qui ont eu lieu ces dernières années contre la politique extractiviste des gouvernements d’Amérique du Sud. Cette phrase, Gregoria Crisanta Pérez, femme autochtone maya du Guatemala, pourrait la reprendre à son compte tout comme les sept autres femmes qui ont été poursuivies pendant plusieurs années par la compagnie canadienne Goldcorp.
En 2005 cette compagnie minière acquiert des terres à San Miguel Ixtahuacan sans en passer par la consultation des communautés autochtones. Au mépris le plus total de la convention 169 de l’OIT relative aux peuples tribaux, Goldcorp transforme en profondeur les paysages de la région en ouvrant une immense mine d’or à ciel ouvert, la mine de Marlin. Si la compagnie affiche sur son site qu’elle promeut des « pratiques minières responsables », la réalité est toute autre. Et pour cause, les quantités de cyanure utilisées pour l’extraction de l’or contaminent les cours d’eau alentour, les infrastructures routières construites pour accéder à la mine bouleversent les équilibres environnementaux, la venue d’hommes embauchés dans les mines fait augmenter la prostitution et les violences contre les femmes.
Plonger la mine dans le noir
Goldcorp, via sa filiale Montana Exploradora, fait installer des câbles à haute tension sur les communes voisines de la mine sans consulter la population. Un de ces câbles est installé sur le terrain de Gregoria Crisanta Pérez qui, avec d’autres femmes mayas, s’oppose aux conséquences de l’installation de la mine sur leur vie quotidienne : les murs de leurs maisons sont fissurés par les impacts de l’extraction, elles doivent aller chercher plus loin des rivières moins polluées, leurs enfants tombent malades, les communautés se déchirent autour de la présence de la mine. Le 10 juin 2008, Gregoria sabote les lignes électriques présentes sur son terrain, interrompant ainsi l’alimentation de la mine. La compagnie fait arrêter et porte plainte contre huit femmes, surnommées depuis les « Goldcorp 8 » qui vont être malmenées, harcelées et emprisonnées jusqu’à ce qu’en 2012, les tribunaux leur donnent raison et réclament que la compagnie fasse enlever le poteau électrique du terrain de Gregoria.
Extractivisme contre territoire-Terre
L’histoire de la mine de Marlin est une des nombreuses luttes qui s’opposent à l’extractivisme galopant et à la dépossession des terres autochtones un peu partout du Pérou au Canada. Les femmes comme Gregoria sont toujours les premières à s’y opposer et à articuler extraction des sols et exploitation des femmes. Alors que la Goldcorp affiche sans honte sur son site internet les prix reçus comme celui de la « femme de mérite 2015 » pour la catégorie « milieu de travail remarquable », ces femmes se battent tout à la fois contre les multinationales et le patriarcat et tentent d’opposer à l’expropriation et l’exploitation des terres une farouche résistance et une « culture du soin » afin de régénérer ce que certaines d’entre elles appellent « territoire-corps, territoire-Terre ».
Isabelle Cambourakis
Pour aller plus loin
• Film "le business de l’or au Guatemala, chronique d’un conflit annoncé, Grégory Lassalle, 2009, 54 mn.