Le Burkina Faso a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à permettre officiellement la culture d’OGM, en autorisant la commercialisation de semences de coton Bt à partir de 2008. Ce type de coton modifié tire son nom et ses propriétés du gène d’une bactérie du sol, introduit artificiellement dans le génome de la plante afin qu’elle produise elle-même un insecticide. Au Burkina, une variété Bt avait été obtenue par la multinationale Monsanto, en croisant une variété locale avec une variété américaine. Elle avait été cultivée à « l’essai » dès 2003, avant même l’adoption d’une législation supposée encadrer le développement des biotechnologies. Blaise Compaoré, qui dirigeait le pays depuis 1987, livrait ainsi les paysans de toute la sous-région (1) à la prétendue propriété intellectuelle de Monsanto : les frontières poreuses ne pouvaient en effet limiter les risques de contamination dans les pays voisins.
Le coton OGM ne s’est pas avéré rentable
Pendant des années, des cotonculteurs et des organisations de la société civile ont tenté, en vain, de s’opposer au rouleau compresseur du lobby pro-OGM, soulignant l’absence d’une réelle évaluation des risques sur la santé et l’environnement (2). Avec le renversement de Blaise Compaoré fin 2014, la donne a changé, mais en partie seulement. Contrairement au gouvernement, les dirigeants des sociétés cotonnières et du puissant syndicat agricole qui structure la profession sans pour autant défendre les paysans, n’ont pas été balayés avec le dictateur. Par intérêt ou par conviction, ils pouvaient continuer à soutenir le coton OGM, et les autorités de la transition n’ont pas voulu, ou pas pu (du fait des rapports de forces), se saisir du dossier.
La culture du coton OGM reste donc autorisée au Burkina… mais pas aussi lucrative que prévue. En dépit d’une réduction temporaire (3) du nombre de traitements phytosanitaires, le coton Bt ne s’est pas avéré rentable. Sans surprise, la réduction du nombre de traitements et une productivité à l’hectare plus faible qu’annoncée ne suffisaient pas forcément à compenser le surcoût de la semence brevetée pour les petits producteurs. Surtout, la fibre plus courte du coton Bt par rapport à son concurrent non OGM a conduit à la déclassification du coton burkinabè. Autrefois prisé sur le marché international, il est désormais cédé à vil prix aux acheteurs étrangers. Les petits producteurs n’ont jamais pu faire entendre leur voix, mais les sociétés cotonnières, qui ont refait leurs calculs, ont bien plus de pouvoir : elles ont annoncé en janvier 2016 un abandon progressif du coton Bt tant que Monsanto ne résoudrait pas ce problème de raccourcissement de la fibre.
Des rencontres internationales des résistances aux OGM
On est en droit de se réjouir de ce recul de Monsanto… mais prenons garde à ce qu’il ne soit pas que provisoire ! Il n’est lié à aucune décision politique des nouvelles autorités burkinabè, qui n’ont rien modifié à la législation. Les projets de développement de sorgho et de niébé (un haricot) modifié, développés notamment grâce à « l’aide » de la fondation Bill et Melinda Gates, continuent donc de menacer l’économie agricole et l’environnement du pays. C’est l’enjeu des Rencontres Internationales des Résistances aux OGM, organisées à Ouagadougou les 22, 23 et 24 avril 2016 par le Collectif Citoyen pour l’Agro-Ecologie.
Thomas Noirot
(1) Voir « Compaoré livre les paysans ouest-africains à Monsanto », Billets d’Afrique n°204, juillet-août 2011.
(2) Voir sur internet le documentaire « Nous sommes debout ce matin » de Guylène Brunet (2011, 26’).
(2) Voir sur internet le documentaire « Nous sommes debout ce matin » de Guylène Brunet (2011, 26’).
(3) L’expérience en Inde montre qu’apparaît progressivement une résistance chez les ravageurs de la plante.
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