La gestion collective de 8000 ha via la SCTL, Société civile des terres du Larzac, et la SC GFA, société civile Groupement foncier agricole, a permis le renouveau d’une agriculture paysanne diversifiée. Cependant, le Larzac était, jusque récemment, peu novateur en matière d’énergies renouvelables. Quelques éoliennes artisanales dès les années 1970, de rares panneaux solaires, du chauffage au bois, et pas grand-chose d’autre.
Depuis quelques années, les choses changent. Pas du côté éolien, malgré un important potentiel, car la valeur paysagère du plateau (en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, avec les Cévennes voisines), ainsi que la présence du camp militaire, de servitudes aériennes, mais aussi d’opposants virulents, ont pour l’instant bloqué toute implantation de grandes éoliennes.
En revanche, la filière bois-énergie se développe depuis plusieurs années. L’activité est coordonnée par l’association Les Bois du Larzac. Les chaudières à plaquettes forestières se multiplient (La Salvetat, Saint-Martin, Jassenove, Montredon…), mais pour reconquérir des parcours à brebis envahis par le pin sylvestre, il faudra que les collectivités et autres gros clients locaux s’équipent et absorbent au moins 2500 m3 de plaquette forestière du Larzac. Vivement que le prix du pétrole augmente à nouveau, et que l’on taxe sérieusement le carbone fossile.
Du solaire géré collectivement
Le soleil brille généreusement sur le Larzac. Ailleurs dans le sud de la France, les tarifs incitatifs de rachat de l’électricité solaire par EDF ont poussé des agriculteurs à construire des hangars surdimensionnés, voire totalement inutiles, pour profiter de l’aubaine d’une toiture qui paie le bâtiment. Telle n’est pas la démarche de la SCTL et du GFA Larzac.
Tout est parti, en 2014, d’un nouveau fermier de la SCTL qui souhaitait rénover une toiture en mauvais état et financer les travaux par du photovoltaïque. Le fonctionnement de la SCTL est atypique : le fermier bénéficie d’un bail de carrière (il peut rester jusqu’à l’âge de la retraite), il s’engage à effectuer les travaux d’entretien et de rénovation, sachant qu’il sera indemnisé, à son départ, suite au calcul d’une valeur d’usage. Comme la SCTL reste propriétaire des bâtiments, la réflexion au sein du conseil de gérance et avec les fermiers concernés a abouti à l’idée d’équiper plusieurs toits en photovoltaïque, et de consacrer les bénéfices, après remboursement des emprunts, à aider des fermiers à rénover leurs toitures, car le coût de réfection d’un toit caussenard, surtout quand il est en lauzes calcaires, est prohibitif.
Le montage financier laisse entrevoir des rentrées financières, dans une dizaine d’années, d’environ 52 000 € par an, qui serviront à préserver le patrimoine bâti, souvent très beau, ce qui est un des objectifs principaux de ces structures collectives, en plus du maintien d’une agriculture paysanne.
Une entreprise locale, la Compagnie des artisans associés (C2A), basée à Versols-et-Lapeyre (Aveyron) a été choisie pour piloter l’opération (identification des toitures, demandes de raccordement, démarches administratives, études techniques, pose, etc.). Dix-sept toitures seront équipées avant l’été 2016 de 62 m2 de panneaux chacune, d’une puissance de 9 kWc (1). Comme pour le bois, il a fallu créer une structure ad hoc pour le solaire, car la SCTL gère le foncier et les bâtiments, mais n’est pas une société commerciale. C’est ainsi qu’est né début 2015 Lum del Larzac, société par actions simplifiées. Il n’a pas été facile de convaincre les banques, la SCTL n’offrant pas de garantie bancaire suffisante de par son statut de locataire d’un bien de l’Etat (2) mais un prêt BEI (Banque européenne d’investissements) a été obtenu via la région Midi-Pyrénées, et les travaux ont enfin pu commencer.
Dans le capital de la SAS Lum del Larzac sont présents, et cela depuis le début, Enercoop Midi-Pyrénées et Énergie partagée. Cette dernière structure est à l’énergie ce que Terre de Liens est au foncier : un fonds dont les actionnaires sont des individus qui souhaitent encourager une transition énergétique locale et citoyenne. Plusieurs Larzaciens et amis du Larzac ont déjà contribué en prenant des parts à Lum del Larzac, ce qui permet de réduire d’autant les emprunts bancaires, car l’investissement est important (420 000 €), même si le risque est faible, puisque le soleil devrait encore briller quelques milliards d’années…
Pour des raisons financières (prix du rachat de l’électricité par EDF), il n’était pas possible de revendre l’électricité de cette première tranche de toits photovoltaïques à Enercoop, fournisseur d’électricité 100 % renouvelable, mais cela devrait se faire pour un autre projet en cours : la construction d’un hangar de stockage des plaquettes forestières, équipé de panneaux pour une puissance de 112 kWc.
La production totale des 17 toitures est estimée à 184 MWh par an, soit la consommation électrique de 100 foyers, hors chauffage électrique (mode heureusement presque inconnu sur le causse).
De l’énergie à revendre !
Avec une production électrique équivalant grosso modo à la consommation du Larzac « militant », et l’exportation (à courte distance !) de bois-énergie, le plateau peut envisager devenir, d’ici quelques années, un pays à énergie positive. Reste à s’attaquer au point faible de la consommation énergétique, ici comme dans toutes les zones rurales : les déplacements. Il faudra aussi relancer la maîtrise de l’énergie dans tous les secteurs : une agriculture moins gourmande en gazole et autres intrants, des bâtiments mieux isolés, etc.
Thomas Lesay
Vous pouvez aider ce projet photovoltaïque en prenant une ou plusieurs actions de 100 € à l’ordre de SAS Lum del Larzac, Montredon, 12100 La Roque Sainte-Marguerite, www.larzac.org/organiser/sas-lum-del-larzac.html
(1) un kiloWattcrète (kWc) est la puissance d’une installation photovoltaïque lorsque le soleil est à son maximum.
(2) Elle dispose d’un bail emphytéotique qui court jusqu’en 2083.
Contacts
• SCTL/GFA, Montredon, 12100 La Roque Ste Marguerite, T. 05 65 62 13 39. www.larzac.org, sctl@larzac.org.
• Les Bois du Larzac, même adresse.