La dune de Trézen ar Gorjégou repose paisiblement au fond de la baie de Lannion, loin des regards... Mais au centre de toutes les attentions. Depuis 2010 le groupe Roullier, via sa filiale la CAN (Compagnie armoricaine de navigation), convoite son sable coquiller, utilisé pour neutraliser le pH acide des champs bretons.
La dune se situe à la lisière de deux zones Natura 2000 et de l’archipel des Sept îles, qui abrite une exceptionnelle colonie d’oiseaux marins. Elle est aussi un lieu de reproduction privilégié pour le lançon, petite anguille à la base de l’alimentation des poissons dont dépendent les pêcheurs locaux (près de 500 emplois directs et indirects). Le risque que l’extraction ne tue toute la faune et la flore locale et ne dégrade l’économie locale suscite une opposition farouche et quasi-unanime au projet.
Déni de démocratie
Depuis 2012, un collectif regroupant cinquante-neuf associations, Le Peuple des Dunes en Trégor (pays à cheval entre les Côtes-d’Armor et le Finistère), multiplie les manifestations, soutenu par la quasi-totalité de la population locale. “Tous les candidats aux élections locales se sont opposés au projet, les élus aussi, explique Philippe Soufflet, du collectif SOS et du Peuple des Dunes. Toute la palette politique est de notre côté. L’administration française méprise les avis des citoyens et des élus”.
Malgré cette levée de boucliers et l’enquête d’utilité publique de 2010 qui soulignait l’opposition générale de la population locale, Emmanuel Macron a validé le projet en avril 2015, se contentant d’en réduire les proportions. Insuffisant, selon les habitants.
Si Roullier et le gouvernement s’imposent en force, c’est que le sable s’est érigé en ressource rare très prisée (1). “Le combat contre l’extraction de sable est un combat mondial, affirme Philippe Soufflet. C’est la troisième ressource la plus exploitée au monde”.
En Bretagne, les industriels n’en sont pas à leur coup d’essai. À Gâvres (Morbihan) le premier collectif à se nommer Le Peuple des Dunes a fait plier le groupe Lafarge en 2009. Cinq ans plus tard, l’île de Sein (Finistère) est sortie victorieuse d’une lutte similaire. Pour les Trégorrois, plus remontés que jamais, le combat se poursuit, notamment par des recours en justice. Ni le gouvernement, ni le préfet ne semblent prêts à fléchir, mais il suffit parfois d’un grain de sable pour enrayer la machine...
Gwenvaël Delanoë
(1) Le sable subit un pillage mondial aux conséquences sociales et environnementales désastreuses. Mafias, disparition de plages et d’îles, destruction des fonds marins... Le tableau est bien sombre. Voir le documentaire de Denis Delestrac, diffusé sur Arte : “Le sable, enquête sur une disparition”.
(2) Informations et pétitions en ligne sur le site : peupledesdunesentregor.com. Contact : peupledesdunesentregor@gmail.com.