Une mortalité infantile en hausse, des cancéreux laissés sans soins, des diabétiques incapables de se payer leurs médicaments... L’austérité a durement impacté le service public de santé grec. Pour faire face à la crise sanitaire en cours, la solidarité s’organise. Une quarantaine de cliniques autogérées et gratuites ont vu le jour à travers le pays.
La clinique communautaire d’Helliniko a reçu gratuitement près de 40 000 personnes depuis son ouverture fin 2011. Dans cette clinique autogérée située dans la banlieue sud d’Athènes, des médecins et des pharmaciens bénévoles dispensent gratuitement des soins et des médicaments à ceux, de plus en plus nombreux, qui ne peuvent plus se les payer. Chaque jour, près de cent patients passent la porte de l’établissement.
Ils sont plus de deux cents bénévoles à se relayer pour faire tourner l’établissement. Les soignants (médecins généralistes, dentistes, cardiologues, gynécologues, psychologues, pédiatres, reflexologues, pharmaciens...) représentent la moitié des troupes, l’autre moitié aide à l’accueil, à la communication ou encore à la logistique.
Solidarité en temps de crise
Depuis 2009, le budget de la santé a baissé de près de 50 % en Grèce. Les effectifs des hôpitaux ont fondu et les remboursements de certains médicaments coûteux ont été diminués, laissant près d’un tiers des grecs dans l’impossibilité d’accéder aux soins faute d’assurance maladie. Ces ajustements comptables ont eu des conséquences terribles : hausse des suicides, des dépressions, des contaminations au VIH, hausse de la mortalité infantile, réapparition de maladies disparues faute de vaccination...
« Certaines personnes sont en situation de stress terrible. Ils ont perdu leur emploi et leur assurance. Parfois le ton monte quand des médicaments manquent ou que le médecin qui doit les soigner est retenu à l’hôpital pour une urgence », regrette Vassilia.
Une humble générosité
En plus de batailler pour la survie de leurs compatriotes, ces volontaires reçoivent, sans discrimination, quelques-uns des milliers de migrants qui arrivent chaque semaine sur les plages du pays. Ils envoient également des médicaments et des bénévoles à Gaza, à Kobane (Syrie) et aux camps de réfugiés syriens. Tout le matériel et les médicaments proviennent de la solidarité locale et internationale. « Cette crise a eu ceci de bon qu’elle nous a poussé à être plus solidaires », positive Vassilia.
Pour faire face à ses besoins financiers, la clinique organise deux fois par an un bazar car elle n’accepte que les donations en nature. Malgré cette quasi absence de moyens financiers, ils sont parfois mieux lotis que les hôpitaux publics grecs.
Quand l’entraide remplace la charité
Des usagers ou des soutiens de la clinique, reconnaissant du travail réalisé, proposent spontanément d’aider à leur tour. Le fonctionnement de la clinique est en lui-même une utopie en actes. Les décisions non médicales sont prises lors d’assemblées. Le mode d’organisation est basé sur l’égalité de chaque participant-e. Mais bien que leur engagement à la clinique leur apporte beaucoup de joie, ces bénévoles commencent à perdre patience. Ils souhaiteraient que le service public de santé puisse offrir à tous les soins nécessaires. « On pensait que ça allait durer deux ans, le temps que la situation s’améliore... Mais on est en train de devenir la béquille d’un État défaillant et on ne veut pas jouer ce rôle ».
Emmanuel Daniel (Reporterre)