Dossier Alternatives Végétarisme

Peut-on continuer à manger de la viande ?

Delphine Boutonnet

Plus que le transport, l’élevage et la production de viande sont un des principaux secteurs responsables d’émission de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial. Est-ce à dire qu’il faut supprimer totalement la viande de notre assiette pour ralentir le réchauffement climatique ?

Si l’on peut effectivement considérer qu’élever des animaux pour les abattre et les manger est normal et ne constitue pas un problème majeur, les impacts écologiques directement liés à la consommation de produits animaux en font une cause réelle de remise en question de nos habitudes alimentaires.

C’est ce que confirme Mariane, qui est devenue végétarienne il y a 5 ans. « Je suis fille de boucher, alors vous savez, tuer des animaux pour les manger ne me posait pas vraiment de problème. D’ailleurs, mon père me disait toujours qu’il faisait de son mieux pour ne pas les faire souffrir, et je pensais que les bêtes qui étaient tués par mon père avaient finalement bien de la chance. Je suis devenue végétarienne lorsque j’ai pris conscience qu’il fallait produire beaucoup de céréales pour nourrir les vaches, que les élevages intensifs de porcs polluaient la Bretagne, qu’on nourrissait les poissons d’élevage avec des farines animales, et que tout ce petit monde était gavé d’antibiotiques. De même que j’ai décidé de ne plus prendre l’avion pour réduire mon impact sur la planète, j’ai baissé petit à petit ma consommation de viande et de poisson pour finalement arrêter. »

Du côté de l’élevage non industriel…

C’est sur une surface de 30 ha, dans une ferme certifiée bio, que Florent et ses deux collaborateurs, installés en Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), élèvent poulets, vaches et abeilles. Faute de pouvoir se développer par manque de terrain, ils privilégient la qualité et le savoir-faire en transformant une partie de leur production. La vente se fait par le biais de quatre AMAP, d’AlterConso (1) et au sein d’un magasin de producteurs locaux (2). Pour arriver à une autonomie maximale, ils produisent tout ou presque : céréales, pois, récupération du petit-lait des fromages pour nourrir les poulets. Florent avoue ne pas s’être posé la question du végétarisme, mais il dénonce volontiers la surconsommation de viande.

DB.

GAEC Forel Chapelle

1629, Le Colombet, 69420 Trèves
Tél : 06 64 23 54 54 - 06 26 30 22 63

(1) AlterConso, 61 avenue des Bruyères, 69150 Décines-Charpieu, tél : 04 72 04 43 02.
(2) Un Dimanche à la campagne, la Dultière, 69850 Thurins, tél : 04 78 81 94 38.

L’élevage extensif, une solution pour réduire nos émissions de GES ?

En France, l’élevage herbagé extensif (1), qui concerne moins de 20 % de la production totale de viande, présente une solution plus respectueuse de l’environnement (nature et bêtes) pour celui qui ne souhaite pas stopper sa consommation de produits animaux. Selon René Laporte, ingénieur agronome et économiste (2) « les prairies et pâturages participent, comme les forêts, au maintien de la biodiversité et à l’entretien des sols en évitant l’érosion. Pour l’élevage bovin, le stockage du carbone par les prairies compense 40 % à 50 % de ses propres émissions de GES, ce qui en réduit fortement les émissions. D’autant qu’il est possible de les réduire encore de 30 % en jouant sur la nature de l’alimentation, la gestion des fumiers et lisiers et en développant la production de biogaz. » (3)

L’élevage extensif présente l’avantage, dans un pays tel que la France, d’entretenir les paysages sur des terrains inaccessibles et impropres à la culture légumière, comme le souligne Florent Chapelle, éleveur bio de bovins : « La plupart de mes terrains sont en pente, on ne peut rien en faire à part laisser pousser, mais si on laisse partir en bois, c’est un territoire qui se ferme. Donc faire de la protéine végétale, oui, mais pas partout. »

L’élevage extensif oui, le surpâturage, non

Toutefois, si l’on considère que l’élevage extensif en France va dans le sens d’un plus grand respect de la nature et des besoins élémentaires des bêtes, il n’en est pas de même partout, comme le souligne Elodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France. « L’élevage affecte gravement la biodiversité à l’échelle mondiale. Les activités d’élevage, par le surpâturage, contribuent directement à la désertification. Ce faisant, elles entrent alors dans un cercle vicieux : les pâturages se raréfiant, notamment sous l’effet du changement climatique, les éleveurs font paître davantage d’animaux sur une même unité de surface… Ce qui est, à son tour, facteur de désertification. Ce phénomène touche de nombreuses régions de l’hémisphère sud. » (3)

Alors, faut-il vraiment supprimer la viande de notre alimentation ? « Le problème est plus global que la simple consommation de viande : c’est l’acte d’achat qui est important. Est-ce que c’est mieux d’acheter des légumes en grande surface que de manger de la viande bio, locale, achetée directement à l’éleveur ? » se demande Florent Chapelle. « Le problème de la viande, c’est la surconsommation. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, et je trouve que le procès que l’on fait aux petits éleveurs bio est plutôt injuste. »

Une consommation responsable et modérée

La consommation modérée de viande bio, locale en élevage extensif est une solution pour qui se soucie du devenir de nos agriculteurs et de nos campagnes françaises, comme le souligne Aymeric Caron dans son ouvrage No steak : « Les éleveurs d’antan, qui connaissent chacune de leurs bêtes et dont la production est destinée au marché local, se font rares. Ceux-là, le végétarien que je suis les apprécie. Même si je n’approuve pas la finalité de leur activité. »

L’élevage extensif est certes plus respectueux de l’animal et a des conséquences sociales et environnementales positives, à l’échelle locale. Cependant, il ne résout pas les problèmes d’émissions de GES qui, malgré les progrès actuels, ne pourront réellement baisser que si l’on diminue fortement la consommation de viande.

Delphine Boutonnet

(1) Elevage de bovins ou d’autres animaux qui se qualifie par une faible densité d’animaux (peu de bêtes à l’hectare). Aucun apport supplémentaire de nourriture n’est habituellement requis.
(2) La Viande voit rouge, René Laporte, Pascal Mainsant, Fayard, 2012
(3) Faut-il arrêter de manger de la viande ? Elodie Vieille Blanchard, le Muscadier, 2014
(4) No steak, Eymeric Caron, J’ai lu, 2013

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