Elles sont couturière, relieuse, piqueuse de bottines, professeure de langue et lingère, blanchisseuse, domestique, marchande de vin, aristocrate russe, romancière... Elles sont socialistes, membres de la première internationale, blanquistes, féministes ou simplement femmes du peuple. Elles ont participé d’une façon ou d’une autre à la Commune mais leur nom nous reste inconnu. Si on retient la figure de Louise Michel, on oublie celles qui ont arpenté l’espace parisien entre mars et mai 1871, œuvrant à la mise en place de la Commune et la défendant lors de la Semaine sanglante : André Léo, Nathalie Lemel, Elisabeth Dmitrieff, Sophie Poirier, Adèle Esquiros, Blanche Lefebvre, Paule Minck... Celles qui n’ont pas été tuées sur les barricades ont été déportées – mille femmes envoyées au bagne -, ont fui vers la Suisse, l’Angleterre, ont repris leur vie. La présence des femmes dans la Commune s’explique comme souvent par un contexte de précarité : le blocus de la ville par l’armée prussienne a duré 18 semaines, l’hiver a été très rigoureux, beaucoup de femmes, dont une bonne partie travaillaient dans le textile, ont perdu leur emploi et certaines ont eu recours à la prostitution pour s’en sortir. Les femmes sont donc nombreuses au matin du 18 mars 1871 pour empêcher les Versaillais de reprendre les canons de Montmartre.
« Le travail et le bien-être pour toutes ! »
Mais la misère due au blocus n’explique pas tout. Les années 1868-1869 ont vu de nouvelles sociétés féministes se créer autour de femmes de lettres. Des femmes rejoignent le milieu internationaliste comme Nathalie Le Mel, relieuse qui, avec Eugène Varlin ouvre « la Ménagère », épicerie sociétaire, et la « Marmite », cantine coopérative. D’autres participent de plus en plus activement aux clubs et autres réunions populaires, « ruches bourdonnantes » où s’invente l’idée d’une commune sociale. Bien sûr, elles n’y sont pas majoritaires ni même à égalité avec les hommes, mais elles imposent de nouveaux sujets : le travail des femmes, l’éducation des filles... Elles défendent l’idée que cause socialiste et cause des femmes doivent être défendues ensemble.
Le 11 avril 1871 est fondée l’Union des femmes pour la défense de Paris et le soin aux blessés. Cette union à l’existence aussi brève que la Commune, aura le temps de proclamer : « Nous voulons le travail, mais pour en garder le produit. Plus d’exploiteurs, plus de maîtres. Le travail et le bien-être pour tous ! Le gouvernement du peuple par lui-même ! ». Les retours mémoriels sur la Commune font peu entendre la pluralité de ces voix de femmes. Aussi voulons-nous nous souvenir de la mère Piganiol, habitante du 84 rue de l’Enfer : « Tous les jours, elle se mettait à la fenêtre pour lire le Cri du peuple à haute voix, appuyant sur les passages les plus violents (…) Elle disait qu’on se bat pour l’égalité, qu’il n’y aura plus de riches, plus de propriétaires, il y a 40 ans qu’on y travaille ! ». On y travaille encore...
Isabelle Cambourakis