Nous voici à Ralegan Siddhi, à une centaine de kilomètres de Mumbai. Depuis quarante ans, sous l’impulsion du leader Anna Hazare, ce village est sorti de la misère grâce à une gestion simple et durable des ressources naturelles et du travail volontaire des habitants. Aujourd’hui, ce village de 3000 personnes est visité par des Indiens et des étrangers du monde entier.
En Inde où vivent 1,2 milliards d’habitants dont 70% en zone rurale, la bonne gestion des ressources naturelles est un enjeu crucial. Premier défi pour ce village, stocker l’eau de la mousson pour irriguer les cultures. Un “watershed program”, vaste plan de construction de puits et de renforcement des digues a été réalisé grâce au travail volontaire des habitants. Second défi, endiguer l’érosion des sols, en interdisant le pâturage libre des vaches et la coupe sauvage des arbres. Ces mesures simples ont permis aux villageois d’obtenir trois récoltes par an au lieu d’une et de mettre fin aux famines chroniques en devenant auto-suffisants en grains.
Fort des succès de Ralegan Siddhi, Anna Hazare a souhaité reproduire ces mesures dans d’autres villages, mais a constaté que les fonds alloués aux "watershed program" et à la gestion des forêts étaient détournés. Après des réclamations et des manifestations sans effets, Hazare et ses soutiens ont entamé plusieurs grèves de la faim qui ont abouti à deux lois anti-corruption en 2002 et 2011. Celles-ci ont notamment permis de créer un Médiateur de la République dans chacun des 29 Etats et la rédaction d’une charte du citoyen expliquant les droits du peuple et l’extension du pouvoir de ce médiateur à tous les échelons de l’administration. Parallèlement, un centre anti-corruption a été construit dans le village, où des Indiens de tout le pays viennent déposer leurs doléances.
En quarante ans, Ralegan Siddhi a réussi une transformation impressionnante grâce à la collaboration de tous ces habitants et l’engagement d’un homme charismatique. Même s’il est parfois critiqué pour ses méthodes violentes : partisan de la peine de mort pour les hommes politiques corrompus ; interdiction de l’alcool et des cigarettes dans le village... quitte à flageller ceux qui transgressent la règle. Comment le village évoluera t-il quand Anna Hazare ne sera plus là ? "Dans la continuité des assemblées populaires qui existent déjà, un leadership collectif sera mis en place. C’est préférable à un leadership individuel, car si certains membres sont mauvais d’autres peuvent les arrêter. Il se peut aussi que ça évolue dans un mauvais sens... mais nous sommes confiants" raconte M. Raut, l’ancien Principal du collège.
Les habitants de Ralegan Siddhi résisteront-ils aux lumières de la ville et de la société de consommation (qui se fait de plus en plus sentir, maintenant que les besoins primaires sont garantis) ? Pour le moment, plusieurs habitants nous ont raconté avec fierté que de nombreuses personnes quittent la ville pour revenir au village plutôt que l’inverse...
Chloé Deleforge et Olivier Mitsieno
Pour en savoir plus sur notre expérience à Ralegan Siddhi, et les autres initiatives que nous avons découvertes, rendez-vous sur notre site eco-logis.org à la rubrique "carnet de route" et sur facebook "ecologis.project"