C’est le sujet actuel numéro Un pour le désarmement nucléaire. Les deux tiers des Etats et la majorité des ONG le souhaitent. Pourquoi et pour quelle efficacité ?
Les armes chimiques et bactériologiques ont fait l’objet d’un traité d’interdiction. La troisième « arme de destruction massive », l’arme nucléaire, n’est pas « interdite ». Aucun texte juridique, aucune délibération n’interdit la « possession » d’une arme nucléaire. Plus surprenant encore, la Cour internationale de justice a émis un avis en 1996 qui autorise un Etat à utiliser une arme nucléaire « en cas de légitime défense » ! Pourtant l’ONU a voté en Assemblée générale une résolution en 1961 qui spécifie que « l’emploi d’une arme nucléaire serait un crime contre l’humanité ». D’une certaine façon, la législation internationale est semblable à la législation française : la possession d’un fusil est autorisée, son utilisation « en cas de légitime défense » aussi, mais tuer son voisin est un crime.
Le Traité de non-prolifération (TNP) précise dans son article 6 que les Etats nucléaires doivent avoir l’objectif d’élimination de leurs armes et les éliminer « de bonne foi ». Ce traité, en vigueur depuis 45 ans n’est pas vraiment arrivé à une situation satisfaisante car il y a encore 16 000 bombes en service, dans 9 Etats nucléaires qui, tous, mettent actuellement en œuvre des programmes de modernisation de leurs armes.
La démarche nouvelle cette année vise à « combler le vide légal » pour arriver à « interdire la possession » des armes nucléaires, comme les armes chimiques et bactériologiques. Cette démarche a été initiée par l’Autriche en janvier 2015 et a été reprise par les deux tiers des pays lors de la Conférence quinquennale du TNP au mois de mai. Un tel traité d’interdiction est évidemment combattu par les Etats nucléaires, en particulier les Etats-Unis et la France.
Certains sont dubitatifs. Puisque les Etats nucléaires ne seront pas signataires d’un tel traité, cela ne changera rien à la situation, objectent-ils. Légalement c’est exact. Mais politiquement cela créerait une pression importante que les Etats nucléaires redoutent, d’où leur opposition farouche à ce projet ! Leurs opinions publiques et les pressions internationales auraient une légitimité dans leur demande.
Mais il est exact qu’un traité d’interdiction, pour être efficace, doit être crédible, et donc les signataires doivent être des pays concernés par une « possession » d’arme nucléaire. La France serait un bon candidat, mais malheureusement ses responsables politiques sont les plus acharnés au niveau international contre ce traité d’interdiction ! En Europe, les 5 pays qui hébergent des armes nucléaires de l’OTAN, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique et Turquie, pourraient commencer un processus d’interdiction en refusant ces armes car les parlementaires des 4 premiers pays, membres de l’Union européenne, ont exprimé une demande d’élimination. Mais la France s’oppose à un tel désengagement !
Comment créer un malaise en Europe, au Royaume-Uni et en France ? Si nous y arrivons ce sera une assurance de crédibilité pour un traité d’interdiction. Les Européens ont la clé du désarmement nucléaire !
Dominique Lalanne
président de Armes nucléaires STOP
do.lalanne@wanadoo.fr