Niramayam, issu d’un mot sanskrit signifiant « sans maladies » est une ferme blottie à 800 mètres d’altitude dans les contre-forts de l’Himalaya, dans l’Himachal Pradesh. Elle profite d’un micro-climat à la fois humide, chaud et ensoleillé en dehors de la période de mousson, propice au développement d’une végétation luxuriante. En contre bas de la ferme on peut observer des champs de riz d’un vert presque fluo, qui se transforment en champs de blé durant d’hiver. La pente douce est parsemée de petites terrasses permettant la culture de légumes, de pois, de haricots et de quelques fleurs. On trouve aussi de petits arbres fruitiers (bananiers, goyaviers) et de nombreux arbustes aux feuilles odorantes auxquels se suspendent des cucurbitacées. Sur les flancs abrupts de la colline, de grands arbres fruitiers supportent de nombreuses lianes dégringolantes. Il y aussi quelques vaches, nourries au fourrage arboré, qui fournissent le lait journalier et de la matière organique pour le compost.
Dans cette jolie ferme, Ramesh cherche à approfondir une réflexion agricole alternative à celle de l’utilisation d’intrants chimiques et adaptée à son environnement, avec pour objectif de la faire connaître aux fermiers avoisinants. Une réflexion qui intègre notamment la méthodes bio-intensif sur sol vivant (1).
Du maraîchage sur un sol vivant
Dans un système d’agriculture chimique, les cultures exportent du sol en une année, la matière organique que la nature met entre 18 et 80 ans à créer. L’ajout de minéraux et d’engrais chimiques est alors nécessaire pour palier les manques du sol. Souvent s’ajoute à cela un travail du sol excessif, qui détériore sa structure. Un raisonnement à court terme, qui ne fait que détruire la vie du sol, le rendant de plus en plus stérile.
En effet, le sol n’est pas un support inerte, uniquement composé de particules de roches, de minéraux, de micro-nutriments et de matières organiques. Il offre des habitats à des millions d’organismes vivants : algues, bactéries, champignons, cloportes, nématodes, vers de terre, collemboles, araignées, escargots, acariens, etc. Ces organismes ont chacun un rôle à jouer ; par exemple, les champignons et les bactéries décomposent la matière organique. D’autres micro-organismes recyclent une partie des éléments nutritifs tels que l’azote ou le phosphore en les rendant disponibles pour les racines des plantes. Les micro-organismes contrôlent aussi les échanges de gaz carbonique avec l’atmosphère et participent à l’emprisonnement du carbone dans le sol. Les lombrics grâce à leur activité souterraine favorisent l’aération du sol et l’absorption d’eau.
« 5 grammes de compost peuvent contenir jusqu’à 6 milliards de micro organismes ! »
Un sol fertile est donc un sol vivant. Et comme tout être vivant, il a besoin d’être nourri et protégé. Dans la nature, le sol des forêts s’auto-alimente en matière organique (bois, feuilles, excréments…). Dans une ferme, c’est au paysan de remplir ce rôle. En laissant des débris végétaux, ou en incorporant du compost et en limitant le compactage de la terre, il stimule la vie du sol, et donc le développement des végétaux.
La réflexion pratique de la méthode bio-intensif
« Comment faire pousser plus de légumes que vous ne l’auriez cru possible sur moins de terrain que vous ne puissiez l’imaginer ! ». Le titre du livre de John Jeavons évoque plutôt bien les objectifs de cette méthode, produire un maximum sur des surfaces réduites. Le raisonnement est focalisé sur la création d’un sol de qualité.
Ainsi, au lieu de planter en pleine terre, la méthode bio-intensif préconise la réalisation de lits de cultures. Ces lits sont en fait des bandes de terre surélevées, qui ne sont jamais labourées, jamais retournées, mais qui sont alimentées régulièrement avec de la matière organique, du compost, si possible d’origine végétale, permettant de restructurer le sol et d’apporter les nutriments nécessaires. Ces lits profonds et peu compactés maintiennent la bonne structure du sol et favorisent le développement racinaire des végétaux. Le sol n’est donc jamais tassé ni par l’homme, ni par les machines, il garde ainsi une structure naturelle qui permet le développement des êtres vivants.
Afin d’ optimiser au maximum la production, les légumes sont plantés de manière très serrée, un peu comme dans la nature… Arrivés aux trois quarts de leur croissance, les extrémités feuillues des végétaux se touchent les unes les autres. Ce couvert végétal capte la plupart de la lumière rendant alors difficile le développement des adventices et maintien l’humidité du sol, propice à l’activité des vers de terre. La méthode bio-intensive préconise aussi une mise en association des plantes compagnonnes, qui auront une action positive les unes sur les autres. Elle recommande de cultiver sur 60 % de la surface du jardin des plantes à haut rendement carboné qui produiront assez de matière pour réaliser un compost de qualité qui sera réintégré au sol.
La méthode bio-intensif, que nous avons découverte chez Ramesh en Inde, aurait été utilisée il y a des milliers d’années aux quatre coins du globe. Ces bandes maraîchères variées et très productives auraient permis aux grandes civilisations antiques de se développer et de se maintenir. Un bon exemple à suivre ?
Manon Canovas et Thibaud Chéné
www.encheminverslaterre.wordpress.com
Pour en savoir plus
• Comment faire pousser plus de légumes que vous ne l’auriez cru possible sur moins de terrain que vous ne puissiez l’imaginer, John Jeavons, 1982, en anglais seulement.
• http://fr.wikipedia.org/wiki/Micro-agriculture_biointensive
(1) La méthode bio-intensif existe depuis plus d’un siècle et était pratiquée notamment par les maraîchers de la région parisienne pour produire sur des surfaces réduites, à une époque où les engrais chimiques et les pesticides n’eixstaient pas.