Il faut commencer par rappeler que toutes les énergies renouvelables ont une seule source : le Soleil. C’est l’énergie de celui-ci qui, en provoquant le réchauffement inégal de la planète, provoque le vent. C’est encore le Soleil qui, en favorisant l’évaporation de l’eau, enclenche le cycle de l’eau et donc la possibilité d’utiliser la force hydraulique. C’est toujours le Soleil qui, par la photosynthèse, permet l’apparition de la biomasse (2). Or, le Soleil envoie sur Terre une quantité d’énergie d’une puissance phénoménale : 170 000 millions de MW. La première utilisation de cette énergie est l’agriculture : les plantes profitent d’une énergie qui correspond à plus de 200 fois la consommation d’énergie commercialisée (la seule comptabilisée dans nos statistiques). L’ensoleillement qui tombe hors des zones agricoles, sur les terrains artificialisés (routes, villes, hangars…) représente à lui seul une énergie environ 50 fois supérieure à nos besoins actuels.
Le premier atout des énergies renouvelables est donc leur abondance.
Bien que dispersée, cette énergie a été suffisante pour permettre à des peuples de vivre pendant des millénaires, même dans les régions polaires, les moins ensoleillées. Il y a donc abondance pour tous les autres.
Neutre sur le plan du réchauffement climatique ?
L’utilisation de l’énergie solaire ne modifie en rien le réchauffement de la planète (sans Soleil, il ferait une température proche du zéro absolu) car, quelle que soit la forme d’énergie choisie, celle-ci se dégrade selon les usages… en se transformant, au final, en chaleur. Ceci par opposition au charbon, pétrole et gaz qui sont en fait des formes de stockage d’une énergie solaire très ancienne, que l’on libère maintenant.
L’énergie solaire (lumière, rayons ultraviolets et infrarouges) peut s’utiliser sous forme de lumière (éclairage), biochimique (photosynthèse), électrique (photopiles) ou thermique (serres). N’oublions pas que le premier capteur solaire, c’est la fenêtre.
Il est souvent reproché aux énergies renouvelables d’être difficilement stockables. Mais en fait, c’est l’électricité qui est difficile à stocker, et cela vaut pour les renouvelables comme pour les autres énergies. On peut très facilement stocker l’énergie solaire, par exemple avec des barrages hydrauliques (en remontant de l’eau le jour et en turbinant quand on en a besoin) ou encore en plantant des arbres (le bois est une forme de stockage, par photosynthèse, de l’énergie solaire).
Les énergies renouvelables sont décentralisées : le Soleil rayonne partout (en quantité inégale certes), et son activité provoque un réchauffement de l’air, créant du vent, qui, de manière décalée, maintient sa puissance la nuit. Cette décentralisation est en contradiction avec nos modes de vie actuels : nous sommes de plus en plus nombreux à nous entasser en milieu urbain et à gaspiller de l’énergie en fin de semaine pour aller respirer de l’air pur. Le problème est donc de décentraliser les consommateurs et non de centraliser les énergies (3).
Un choix pour la paix
Les énergies renouvelables peuvent assurer notre indépendance au niveau local. Ce n’est le cas ni du pétrole, ni du gaz, ni de l’uranium dont les puits et les mines en France ont tous été fermés (4). La « densité » énergétique est faible pour les photopiles, mais excellente pour le bois. Dans le cadre d’un rééquilibrage entre l’Occident gaspilleur et les pays du Sud continuellement exploités par nos multinationales prédatrices, la présence universelle du Soleil et de ses dérivés devrait être un facteur de paix important entre les peuples (5). Et, pour le moment, les militaires n’ont pas encore réussi à faire des armes avec ces énergies.
L’utilisation de ces énergies dans un projet écologiste devrait s’accompagner d’une sérieuse sobriété. En effet, la consommation d’énergie, quel qu’en soit le mode de production, a deux conséquences : la consommation de matières premières et la production de déchets — dont les gaz à effet de serre (voir encart). Malheureusement, nous allons aujourd’hui vers un « capitalisme vert » à base de renouvelables et non vers une société sobre et écologique.
M. B.
(1) En partenariat avec le WWF Suisse, le CLER, Réseau pour la transition énergétique, Ecoropa, Robin des bois, les Européens contre Superphénix et Contratom Genève.
(2) Exceptions : la force marémotrice, provoquée par la rotation de la Lune autour de la Terre, et la géothermie, qui est une source d’énergie non totalement renouvelable.
(3) Décentralisation pour les grandes agglomérations, mais en respectant une forte densité au niveau des villes pour éviter d’autres problèmes (voir « Densifier est bon pour la planète », Silence no 434). La question de la taille idéale d’une ville reste ouverte.
(4) A l’exception de quelques puits de pétrole en Ile-de-France.
(5) Voir l’excellent livre Energie solaire, comment vivre en paix avec la nature de Singh Madanjeet, Unesco, 1998. (possibilité de mettre la couv en petit)
Thierry Caminel, Philippe Frémeaux, Gaël Giraud, Aurore Lalucq, Philippe Roman
Ce petit ouvrage savant pose indirectement la question d’une possible « croissance verte ». Les études présentées montrent que si on est parfois tenté de croire à un découplage entre consommation d’énergie, consommation de matériaux et niveau de vie, il s’agit d’une illusion provoquée par des statistiques réalisées au niveau national ou dans les seuls pays de l’OCDE. En réalité, la délocalisation d’une partie de nos activités les plus consommatrices n’a fait que déplacer la pollution, la consommation d’énergie, l’extraction des matériaux. Globalement, le progrès technique n’apporte pas de grands changements, d’autant plus que les « effets rebonds » (quand ça coûte moins cher, je consomme plus) annulent les faibles progrès. Faut-il alors renoncer à la croissance ? Les auteurs préfèrent introduire les notions de « sobriété » ou de « suffisance » plutôt que de parler de « décroissance », et se pencher sur la « low-tech » (par opposition à la high-tech). Ils appellent à redéfinir une « prospérité » à moindre consommation. Un peu ardu, mais fondamental. M. B.
Les Petits Matins - Institut Veblen, 2014, 80 pp. 10 €