Nous voici à Goa, un petit Etat de l’Inde du sud pour découvrir Saraya un projet d’éco-tourisme un peu à part. En sanskrit, cela signifie « le repos des voyageurs »... mais aussi « suivre le courant ». Une philosophie adoptée par Deeksha, une énergique architecte indienne d’une cinquantaine d’années qui est la chef d’orchestre du projet. Plutôt que de construire en acier ou en béton comme elle l’a fait pendant des années à Dubaï et en Inde, elle a choisi de faire confiance aux matériaux et ouvriers locaux.
« Au début, on ne pensait pas construire les murs intégralement en terre. Mais quand on a commencé à creuser le terrain, et qu’on a constaté la qualité remarquable de l’argile, on a décidé de l’utiliser telle quelle, sans ajouter de paille ni de sable… » Pour construire les magnifiques petites maisons qui accueilleront des voyageurs et des artistes en résidence, Deeksha et son équipe ont aussi largement utilisé le bambou pour les fenêtres, les escaliers, le sol, le mobilier... Quant au toit, il est fait de grandes feuilles qui recouvrent des bâches en plastique « c’est le seul matériau non écologique que l’on a utilisé pour la construction, déplore Zora, le fils de Deeksha, car on n’a pas trouvé de solution satisfaisante pour l’instant. Mais on cherche une alternative… »
Une vingtaine d’ouvriers ont travaillé quotidiennement sur le chantier (aux côtés de volontaires internationaux et des enfants de Deeksha). Ils ont quitté le nord de l’Inde — beaucoup plus pauvre — pour gagner un peu d’argent ici comme journaliers. « Comme je n’avais jamais utilisé ce type de matériaux avant... ce sont les ouvriers qui m’ont expliqué comment faire ! La plupart ont construit leurs maisons dans leurs villages avec de l’argile et du bambou, puisque c’est le plus économique ». Quel regard ces ouvriers portent-ils sur ces constructions destinées aux touristes ? Continueront-ils à vivre dans leurs maisons traditionnelles, ou bien se construiront-ils des maisons en béton avec l’argent gagné sur ce chantier ?
Dans un pays où il y a tant de monde à loger, ces maisons écologiques et peu chères pourraient-elles être une solution à grande échelle pour loger dignement les habitants des bidonvilles ? Deeksha voudrait le croire « ... mais malheureusement quels que soient les matériaux, les responsables politiques ne souhaitent pas autoriser légalement que ces zones de bidonvilles (qui ont un potentiel foncier stratégique) soient officiellement utilisées pour loger les plus modestes. Mais si de tels projets d’urbanisme venaient à exister, je serais la première à y participer… »
Le développement de l’éco-tourisme peut faire sourire, laisser dubitatif ou même un peu agacer... Mais pour Deeksha, c’est déjà un moyen pour démontrer que de telles maisons peuvent être solides ET jolies. Et peut-être aussi de convaincre les voyageurs d’en construire à leur tour…
Chloé Deleforge et Olivier Mistieno
Pour en savoir plus sur notre expérience de Saraya, et les autres éco-bâtisseurs que nous avons rencontré, rendez-vous sur notre site eco-logis.org à la rubrique « carnet de route » et sur facebook « ecologis.project »