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La Réunion : ArTerre, former à l’écologie pratique

Gaëlle Ronsin

Lors d’un voyage au Laddakh, Esther Lobet Bedjedi découvre que la problématique himalayienne ressemble à celle de la Réunion : isolement géographique, croissance démographique en explosion, contraintes environnementales très fortes... Elle est surtout frappée par le fait que, pour y répondre, les Indiens ont façonné un mode de vie quotidien autour de l’écologie. Depuis, elle travaille pour transmettre les actions et valeurs de l’écologie pratique à la Réunion.

En rentrant à la Réunion, en 2006, Esther décide de fonder l’association ArTerre pour développer l’écologie pratique sur son île, en proie à de multiples mutations.
« Dans les espaces confinés, les évolutions sont allées trop vite, en une génération. Je rencontre aujourd’hui des gramouns complètement désoeuvrés. Une partie de leur tête se dit : »C’est pas comme ça qu’on vivait avant« , et en même temps, ils se sont heurtés de plein fouet à la société du 21e siècle. Ailleurs, ces évolutions ont pris plus de temps. Je considère que la Réunion doit être vraiment un lieu d’expérimentation car nous avons encore une visibilité sur ’comment c’était avant’. En effet, les personnes ressources, les gramouns, sont encore là et l’on peut aussi s’appuyer sur la jeunesse qui peut être une force de proposition et d’innovations. Ici, l’intergénérationnel prend vraiment tout son sens. »

Ancrer l’écologie sur l’existant

L’association se concentre, de 2009 à 2011, sur l’organisation d’un écofestival dans l’Est et s’appuie sur de nombreux bénévoles pour mettre en place des ateliers d’écologie pratique. « Pratique » car il faut sortir, selon ArTerre, de la vision scientifique et élitiste de l’écologie, très présente à la Réunion. « Les associations naturalistes agissent sans créer de relations avec le grand public, en ne traitant qu’entre elles ou avec les pouvoirs publics. Selon nous, le changement doit provenir directement des gens et, pour cela, l’écologie doit d’abord toucher leur quotidien. »
Les actions d’Arterre cherchent donc à se fonder sur l’existant : « Notre agroécologie s’appuie sur les pratiques agricoles traditionnelles, lontan : c’est un point d’ancrage qui amène ensuite vers la découverte d’autres pratiques. On avait mis en place une exposition vivante sur la biodiversité cultivée avec une grande table pleine de fruits et légumes lontan. Elle interpellait tout le monde : les jeunes qui voulaient commencer un jardin, et les gramoun qui reconnaissaient des légumes qu’ils avaient avant, dans la kour ! » De même, l’installation de sanitaires dans toutes les kaz n’est pas si ancienne et le trou au fond du jardin a disparu il y a peu. Pour ArTerre, l’installation de toilettes sèches doit se fonder sur cette ancienne pratique tout en y apportant un « plus » telle que la litière biomaîtrisée.

Former à l’agroécologie, à l’alimentation végétale et à des pratiques vertes...

Avec les premières embauches, une équipe d’environ six personnes se met en place et les forces bénévoles se relachent. L’association doit alors se structurer ; ses membres choisissent d’adopter les principes de la sociocratie. Les actions d’ArTerre prennent alors de l’ampleur, surtout dans le sud de l’île, où elle est installée. Elles sont structurées en quatre volets d’activités :
l’agroécologie, avec Lucas, grâce à la mise en place de deux jardins pédagogiques au Tampon et à Manapany. ArTerre s’attache à développer la biodiversité cultivée, à l’inverse du Parc national qui préserve une vitrine de biodiversité naturelle ;
l’écologie pratique, fondée surtout sur la sensibilisation, l’autoconstruction et l’installation de toilettes sèches et de fours solaires ;
l’alimentation, avec Esther qui intervient en milieu scolaire. Elle a également créé un restaurant itinérant, le Végétal Vital, pour proposer, lors des événements culturels, une alimentation végétarienne à base de produits frais locaux ;
l’accompagnement des dynamiques locales et citoyennes, avec Marie. Des outils pédagogiques fondés sur la sociocratie sont conçus afin d’animer autrement les collectifs. ArTerre cherche à s’engager sur ces questions avec les associations de quartiers, comme la mission locale de Saint-Joseph.
Ces diverses missions sont surtout accomplies par l’organisation d’ateliers, de stages et de formations, en milieu scolaire ou avec le public pendant les vacances et le week-end. Les ateliers sont payants et les sommes collectées permettent de péréniser les postes salariés. ArTerre s’interroge tout de même sur la mise en place d’une politique tarifaire différenciée, afin de toucher un public ayant peu de moyens et de favoriser la possibilité de venir en famille.

Mais pour quelle envergure ?

Avec ces activités, l’association s’apparente de plus en plus à un organisme de formation. A terme, Esther aimerait également développer des formations pour les professionnels, comme les services des espaces verts des collectivités. Quelle pertinence garderait alors le statut associatif d’ArTerre ? On peut également regretter que le projet, qui se concentre sur une écologie du quotidien, semble oublier d’y intégrer une dimension politique, pourtant inséparable.
En outre, ses relations avec d’autres associations œuvrant dans le même domaine sont assez limitées. Il est regrettable que des projets communs ne puissent être mis en place sur un territoire si petit. Esther en est consciente : « Il n’y a pas assez d’espaces de rencontre pour les associations, à l’échelle de l’île. Du coup, on reste tous dans notre truc et les tensions qui existent entre structures ne baissent pas. Finalement, tu ne sais pas ce que l’autre fait et les ego collectifs prévalent ! C’est assez terrible car ce n’est pas en cohérence avec le message que l’on fait passer. »

Gaëlle Ronsin


ArTerre, 46, rue Leconte-de-Lisle, 97480 Saint-Joseph, tél : 06 92 40 67 40, asso@arterre.re www.arterre.re

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