Dossier Climat Effet de serre Environnement

Quelles stratégies gagnantes pour la bataille climatique

Guillaume Gamblin

Mis à part la mobilisation pour peser sur la COP21, quelles autres voies s’offrent à nous pour bloquer les causes du changement climatique par la base, avec notre pouvoir direct ? Quelles priorités entre transition locale, sensibilisation du public, lobbying sur les acteurs du changement climatique, action directe (blocages, boycott, sabotage, etc.) ?

"Je ne pense pas que les manifestations qui auront lieu à Paris en décembre puissent avoir un impact quelconque sur les négociations, estime Mélusine Desrivières, qui se reconnaît dans la dynamique des Camps Action Climat. Lors du sommet de Copenhague, la mobilisation a été énorme, pour le résultat que nous savons. Je ne pense pas non plus que ce soit inutile, car il est vraiment important de se sentir nombreux-ses, d’organiser des actions de masse, de se construire en tant que peuple (pour utiliser un grand mot) face à l’Etat répressif. Mais il ne faut pas en espérer un résultat concret pour le climat.
Le changement climatique, c’est typiquement le machin énorme dont les leviers nous dépassent complètement, et on a tôt fait de se sentir impuissant, angoissé, paralysé. Alors qu’en fait, si on y réfléchit, on est atteint très concrètement et localement par le système qui provoque la destruction : une autoroute en projet sur le territoire, une petite ligne de train qui est silencieusement suicidée… On a des coupables, donc des cibles, à portée de main ! Même s’il est loin d’être simple de trouver ensuite comment s’y prendre pour lutter… mais c’est une autre histoire. (…) Lutter contre la politique réactionnaire dans mon petit village de Mens (dans le Trièves, au sud de Grenoble), construire ici des manières de vivre anti-patriarcales et plus autonomes, eh bien ça fait aussi partie de la résistance.
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De l’importance de bien cibler l’adversaire

Pour Geneviève Azam, « les cibles sont les corporations de l’énergie, les banques qui financent des projets climaticides, des fonds financiers, les institutions financières internationales, les Etats qui imposent notamment des traités de libre-échange (TAFTA, CETA…) empêchant toute relocalisation et supprimant les contraintes écologiques. Nous avons à agir, partout où nous sommes, sans exclusive, aussi bien par des actions de sensibilisation que par des résistances aux grands projets climaticides, des expériences de transition, des actions directes de réquisition ou d’occupation non-violentes. »
Selon Antoine Lagneau, « si l’on entend par »cibles" des objectifs belliqueux, très clairement, il faut d’abord s’en prendre aux grandes entreprises internationales de la finance, de l’agro-alimentaire, de l’industrie pharmaceutique et énergétique.
C’est là, encore une fois, que se situe désormais le cœur du pouvoir politico-économique mondial, les gouvernements n’étant pour la plupart que les exécutants zélés de ces firmes. Cela ne signifie pas qu’il faut se désintéresser du combat sur le terrain politique, mais je ne crois pas que croiser le fer électoralement parlant, par exemple, soit bien utile, surtout au niveau national.
Si l’on veut véritablement enrayer le dérèglement climatique, il faut frapper là où cela fait mal, au cœur de l’économie capitaliste qui, encore une fois, ne se situe plus dans les palais présidentiels.
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Violence économique et violence d’Etat

 »Ceci étant dit, poursuit Antoine Lagneau, nos armes sont tout de même bien faibles par rapport à la puissance de feu de ces multinationales, et la tâche en est d‘autant plus compliquée. Certes, les actions directes, de type boycott ou blocage, voire sabotage, peuvent constituer ponctuellement des éléments de réponse, mais sûrement pas une stratégie de longue haleine.
Car pour le coup, à la violence économique contre laquelle nous nous battons, succédera une violence d’Etat de laquelle il sera encore plus difficile de se relever. On l’a vu à Sivens avec la mort de Rémi Fraisse. Si les Etats n’ont plus la main sur l’économie, ils restent en revanche le bras armé des grands trusts industriels et financiers et, à ce titre, ils feront régner l’ordre capitalistique sans états d’âme
 

 »Impulser un grand mouvement climatique« 

 »La question que nous nous posons au sein d’Alternatiba, explique Jonathan Palais, c’est : quel type de mobilisation nous permettrait d’impulser un grand mouvement climatique, capable de rassembler au-delà des militants habituels ? C’est dans cette perspective que nous préparons notre participation à la COP 21. Des dizaines de groupes ayant organisé des villages Alternatiba sur leurs territoires en France et en Europe convergeront ainsi à Paris pour y organiser un village mondial des alternatives. Ce sera une manière de poursuivre la mise en valeur des alternatives, tout en exerçant une pression citoyenne sur le processus de négociation.
Mais pour Alternatiba, le plus important n’est pas tant de peser directement sur la COP 21 que d’en utiliser l’impact pour contribuer à renforcer le mouvement en général. Ce village sera donc l’occasion de participer à l’ensemble des mobilisations qui auront lieu à Paris, avec l’objectif d’en faire le point de départ d’une nouvelle dynamique globale. En 1999, le blocage du sommet de l’Organisation mondiale de commerce avait pu lancer le mouvement altermondialiste. Aujourd’hui, c’est à nous tous qu’il appartient de saisir l’opportunité historique du sommet de Paris pour lancer un grand mouvement climatique. Un mouvement qui ne devra pas s’arrêter à la COP 21 mais devra rassembler, dans les années à venir, toutes les forces dont nous avons besoin pour relever le défi climatique.
Car cette bataille, la plus importante de toute l’histoire de l’humanité, se perd ou se gagne dans les années qui viennent, et elle ne se joue qu’une seule fois. Mais quand je vois l’enthousiasme que suscitent les alternatives et la détermination dont font preuve les militants qui résistent aux grands projets inutiles, je me dis que nous avons, collectivement, suffisamment d’intelligence, de créativité et d’audace pour qu’un tel défi soit relevé !
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L’ampleur de la tâche

Cet article laisse paraître la faiblesse de nos moyens face à l’ampleur du défi à relever. Comment s’y prendre pour « sauver » le climat ? La décroissance semble s’imposer… en s’inspirant de certains modes de vie des pays du Sud, puisque plusieurs milliards d’habitants vivent actuellement en dessous du seuil de dépassement de leur empreinte écologique. Le problème réside dans les pays les plus riches et, à l’intérieur de ceux-ci, dans ces 1% d’ultra-riches qui ont un impact gigantesque sur les équilibres climatiques. A 99 contre 1, on devrait pouvoir s’en sortir, non ?

L’étouffement du système libéral par l’encerclement
Pour Antoine Lagneau, le changement se fait par la base plutôt que lors des sommets climatiques : "Je crois davantage à une stratégie favorisant l’étouffement par l’encerclement du système néolibéral, en poursuivant l’extension d’archipels d’utopies concrètes et d’alternatives citoyennes et, surtout, en mettant en place des pratiques éducatives fondées sur la transmission de savoirs et de savoir-faire locaux et l’observation de la nature. (…)
Si je devais choisir un mode d’action contre l’hydre capitaliste et permettant pour lutter contre le changement climatique, je choisirais donc la voie de l’éducation et de l’apprentissage, en essayant de développer chez chacun des capacités d’autonomie, de libre arbitre, d’autocritique, d’observation, le tout accolé à la réappropriation de savoir-faire, notamment agricoles et mécaniques…
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