Dans cet article intitulé « Ondes électromagnétiques : le jeu trouble des associations », Erwan Seznec débute sur l’affirmation que « les études scientifiques rassurantes s’accumulent à propos de l’innocuité des ondes de téléphone mobile et du WI-FI ».
Tout baigne !
« On peut affirmer aujourd’hui, dans l’état actuel des connaissances, que les ondes des téléphones portables, des antennes-relais ou du WI-FI ne sont ni plus ni moins dangereuses que les ondes captées par votre poste de radio ». « Certifier qu’elles provoquent cancers, tumeurs, problèmes de fertilité, malaises, maux de tête (…) relève de la supercherie ».
Jeanine Le Calvez, présidente de Priartem (1), dans une lettre ouverte à Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, estime que « la littérature scientifique internationale sur la question des ondes électromagnétiques est extrêmement dense. Mais, contrairement à ce qu’annonce l’auteur de l’article, les résultats publiés ne sont pas de plus en plus rassurants, au contraire, c’est maintenant une très grande majorité des articles scientifiques qui relèvent des effets ».
Accusant les associations de ne retenir que les études démontrant des risques pour la santé, l’article récuse le sérieux du rapport international BioInitiative, qui compile les résultats de centaines d’études récentes et qui alerte sur les dangers potentiels de ces ondes (2).
Electrosensibles… dans leur tête ?
Erwan Seznec s’attaque ensuite au classement de ces ondes comme « cancérogènes possibles » (groupe 2B) par l’OMS en 2011. Il affirme que le café et les légumes marinés bénéficient aussi de ce classement, ce qui signifie donc que ces produits sont inoffensifs. « Comme les industriels, [Erwan Seznec] »oublie« que dans le Groupe 2B de la classification OMS se trouvent aussi le chlordécone, le DDT, les carburants diesel marins, le plomb », explique Etienne Cendrier, porte-parole de l’association Robins des Toits (3).
Puis l’article se penche sur les personnes électrosensibles. Premièrement, leur nombre semble ridiculement bas. Deuxièmement, presque toutes les études en double aveugle se seraient révélées négatives. Etienne Cendrier s’empresse de citer une étude « en double aveugle, qui démontre un syndrome neurologique en excluant tout rôle psychologique dans la perception douloureuse des ondes ». « Afin de démontrer l’impact réel des ondes de la téléphonie mobile et exclure définitivement le rôle psychologique, on peut se référer aux études impliquant les animaux et la flore », propose-t-il.
Les associations anti-portables : machines à faire des bénéfices ?
Autre élément de cet article : les conflits d’intérêt supposés des membres des associations qui dénoncent les nuisances de ces ondes. La revue cite l’états-unien Martin Pall qui attribue les effets nocifs des ondes à leur impact sur l’oxyde nitrique, et qui vend des antioxydants. Il cite aussi André Bonnin, désigné — à tort — comme « membre fondateur » de Robins des Toits (4) qui a créé une structure commercialisant des études d’exposition aux champs électromagnétiques.
Il y a quelque chose de vertigineux dans le fait de publier des attaques à sens unique sur les conflits d’intérêt supposés de ces associations à but non-lucratif, sans même évoquer l’idée que des conflits d’intérêt et des capacités de lobbying infiniment plus importants sont possibles du côté des opérateurs. Faut-il rappeler la différence de chiffre d’affaires entre les uns et les autres ? (5)
C’est la pensée de la maladie qui rend malade !
Si cette accumulation de charges ne suffisait pas, Que Choisir consacre un gros encadré à un membre du conseil scientifique du Criirem qui, sur internet, prendrait des positions conspirationnistes sur un certain nombre de sujets d’actualité. On trouve donc un collaborateur d’une association qui a tenu des propos loufoques ou répréhensibles publiquement dans sa vie, sur d’autres sujets, pour discréditer les propos de cette association. Nous laissons nos lecteurs juger de cette méthode.
Enfin, les troubles liés aux ondes seraient d’ordre psychologique. « En 2013, deux psychologues (…) ont montré que des reportages sur les dangers des ondes pouvaient rendre les gens malades ». C’est donc cela ! C’est le fait d’être informé sur les dangers des ondes qui crée la maladie. C’est le même argument qui a été développé par les autorités japonaises suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima : si le nombre de cancers augmente, cela provient du stress provoqué par les contrôles ! (6)
Vous avez dit conflit d’intérêt ?
Il aurait pu être intéressant de rouvrir le débat sur la nocivité des ondes avec l’UFC Que Choisir. Malheureusement, cet article ne permet pas de poser les bases d’une controverse saine sur le sujet.
Hasard du calendrier, il a été publié au début du mois de janvier 2015 où était votée la « loi Abeille » sur l’encadrement de l’exposition aux ondes. On peut enfin méditer la réponse d’Alain Bazot, président de Que Choisir, à la lettre ouverte envoyée par Robins des Toits. « Il convient de souligner, écrit-il, que ce faisant, l’UFC Que Choisir ne fait que répondre à une exigence minimale de cohérence. Pourrions-nous continuer à conseiller des téléphones et des tablettes, si des doutes grandissaient réellement quant à leur innocuité ? ».
Guillaume Gamblin
Merci à Loïc Bahut, lecteur de Silence, de nous avoir signalé l’article de Que Choisir ?
• Priartem : 5, Cour de la Ferme Saint-Lazare, 75010 Paris, tél : 01 42 47 81 54, www.priartem.fr.
• Criirem : Centre de Recherche et d’ Information Indépendant sur les Rayonnements Électro Magnétiques non ionisants, 19-21, rue Thalès de Milet, 72000 Le Mans, tél : 02 43 21 18 69, http://criirem.org.
• Robins des Toits, 33, rue d’Amsterdam, 75008 Paris, www.robindestoits.org
(1) Priartem, Pour rassembler, informer, agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques.
(2) Le rapport Bio Initiative 2007 compilait les résultats de 1500 études, celui de 2014, de 1800 nouvelles études.
(3) dans une lettre ouverte à Que Choisir, publiée le 15 janvier 2015, sur le site de Robins des Toits.
(4) Selon Etienne Cendrier, porte-parole de Robins des Toits, contacté par Silence, André Bonnin est arrivé dans l’association quatre ans après la naissance de celle-ci, et n’en fait plus partie aujourd’hui.
(5) La société Orange annonçait un chiffre d’affaire de 39 milliards d’euros en 2014.
(6) Cela n’empêche pas que, comme pour toute pathologie, il existe en effet des personnes qui imputent leurs troubles psychiques aux effets supposés des ondes… nous l’avons constaté. Mais on ne saurait assimiler toutes les personnes électrohypersensibles à ces confusions.