Pour comprendre cette différence de réaction, il faut passer par une analyse géographique du nucléaire. En France, plus que dans aucun autre pays nucléarisé, les centrales ont transformé leur territoire d’implantation.
Taxes locales en baisse
Les centrales françaises ont été construites majoritairement en zone rurale, dans des régions en déprise démographique et industrielle. Leur opération y a entraîné l’arrivée d’une nouvelle population d’extraction urbaine, aux salaires plus hauts que les anciens habitants. La principale transformation des territoires d’implantation est à mettre sur le compte des taxes locales auxquelles les centrales furent assujetties. Les taxes professionnelles et foncières reposent sur la même assiette, à savoir la valeur locative cadastrale. Pour une centrale, elle est calculée grâce aux prix des éléments y étant utilisés, qui dans une infrastructure atomique sont particulièrement élevés. Les communes ont perçu d’importantes ressources budgétaires dont l’effet a été décuplé par leur petite taille, comme la carte le présente sur quatre cas différents. À titre d’exemple, les communes d’Omonville-la-Petite et de Paluel disposaient respectivement en 2013 de 916% et de 1639% d’argent en plus par habitant que la moyenne des municipalités démographiquement semblables.
Infrastructures de loisirs en hausse
En plus de travaux d’embellissement, ces ressources ont permis aux communes de s’équiper d’infrastructures de loisirs de très haute qualité : centre aquatique, patinoire, médiathèque voire même palais des congrès. Simultanément, les subventions ont soutenu le développement d’une vie culturelle et associative dynamique, ainsi que de nombreuses œuvres sociales tels que des réseaux de gardes d’enfants, des services aux personnes âgées ou encore des bourses d’études. Ces recettes ont aussi permis de minorer, voire de supprimer totalement, la fiscalité locale sur les habitants. Sur les 19 communes abritant une centrale, 14 ont fixé des taux de taxe d’habitation inférieurs à la moyenne des villages démographiquement semblables dans leur département. Cas extrêmes, Saint-Vulbas et Cruas offrent les taux les plus bas de France avec 0,01%.
Aujourd’hui, la fermeture des centrales est localement perçue comme une menace pour le maintien de ces avantages, autant par les habitants que par les élus locaux qui, pour nombre d’entre eux, y sont employés.
Teva Meyer
Teva Meyer est doctorant à l’Institut Français de Géopolitique du Centre de Recherches et d’Analyses Géopolitique, à l’Université Paris 8.
Article publié suite au colloque « Les chemins politiques de la transition écologique » le 27-28 octobre 2014 à Lyon.