Bonne nouvelle : le nombre de personnes déplacées a baissé de 40 000, passant de 160 000 en 2011 à 120 000 ! (données officielles*) Mais il faut y regarder de plus près, ce qu’a fait la chercheuse Cécile Asanuma-Brice dans le journal du CNRS à Tokyo. La baisse s’explique surtout par la complexité des démarches administratives qui les acculent à abandonner leur statut. Les logements provisoires, très sommaires, construits après l’accident, étaient prévus pour deux ans. Cela fait maintenant quatre printemps que des populations déplacées y habitent dans des conditions précaires. Cependant ces familles refusent de se plaindre de peur de perdre leur couverture sociale et le suivi médical gratuit. La plupart d’entre elles sont très endettées, car elles continuent à payer les traites de leur propriété située en zone contaminée qu’elles ont quittée sans indemnisation, car les assurances ne fonctionnent pas en cas de catastrophe nucléaire. Des associations se battent pour obtenir un rachat des maisons par l’Etat.
Actuellement, plus de 50 000 personnes concernées par les mesures de retour souhaité par le gouvernement sont prises dans l’étau. Soit elles rentrent chez elles aux dépens de leur santé (sachant qu ’elles vont être exposées à des rayonnements ionisants de 20 millisieverts par an, limite déclarée acceptable aujourd’hui, 20 fois supérieure à la norme internationale), soit elles refusent et perdent toute aide financière.
Le gouvernement se dépense sans compter pour rendre attractives les nouvelles zones dites décontaminées en attribuant des subventions importantes aux entreprises qui tentent le pari de l’installation. Les agences pour l’emploi offrent des quantités de postes qualifiés ou non, allant d’ingénieur à maçon et agent d’entretien. Rien n’y fait. Les ingénieurs refusent de venir y travailler et les ouvriers sont assez sollicités par la reconstruction post-tsunami dans des zones moins dangereuses. Mêmes difficultés dans l’agriculture. 82 % des terres n’ont pas été décontaminées. Sur celles qui l’ont été, une étude commandée par un groupe de « contrôle citoyen » contredit les résultats des analyses publiées par le gouvernement. Le pourcentage de strontium s’y avère quatre fois plus important qu’annoncé. En plusieurs lieux, la méthode de décontamination a consisté à enlever dix centimètres de la couche supérieure des sols pour les remplacer par du sable, ce qui les rend impropres à la culture.
Partout et dans toutes les circonstances, la volonté de retour à la normale ainsi que la reprise du nucléaire clamée par les autorités essuient des démentis. Témoignage flagrant, en mars dernier, la commune de Futaba qui héberge une partie de la centrale de Fukushima Daï-Shi a symboliquement déboulonné les deux imposants portiques à la gloire du nucléaire construits en 1988 et 1991. Coût de l’enlèvement : 33 000 euros. Quel habitant de la région pourrait encore supporter leurs slogans : « Énergie nucléaire, l’énergie d’un avenir radieux », et « L’énergie nucléaire pour le développement de notre Patrie, pour un futur prospère ».
Monique Douillet
*En réalité, il y a eu beaucoup plus de départs.
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