Le géant des télécoms français Orange a publié, en ce début 2015, son résultat de l’année précédente. Si le chiffre d’affaires de la multinationale est en baisse (il s’élève "seulement" à 39,4 milliards d’euros contre 40,4 milliards en 2013) les journalistes de la presse économique ont salué les jolis profits réalisés par les actionnaires (avec une marge de 30,9%). Mais comme l’a relevé Jeune Afrique, en Afrique et au Moyen-Orient, qui comptent pour 11 % des résultats de l’entreprise, le chiffre d’affaires d’Orange est très largement en hausse. Selon le groupe "les principaux contributeurs [de l’augmentation du nombre de ses clients] sont le Mali, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Congo".
On est loin du mythe des entreprises françaises qui seraient sur le déclin en Afrique. Ce discours rabâché s’accompagne bien souvent de la dénonciation virulente d’une Chinafrique qui serait le concurrent de l’impérialisme français sur le continent. Si la Chine et les pays émergents gagnent effectivement du terrain en Afrique, le capitalisme français s’y porte toujours très bien.
Dans une interview au journal Le Monde (27/01/2015), Etienne Giros, président délégué du
Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), précisait d’ailleurs : "La part de marchés de la France en Afrique a été divisée par deux au cours de la dernière décennie passant de 11 % à 5,5 %. (…) En revanche, le chiffre d’affaires des entreprises françaises sur le continent, lui, a doublé. Cela est dû à la taille du marché africain qui a été multiplié par quatre". Dit plus trivialement : quand le gâteau grossit, même avec une plus petite part, on mange plus.
M. Giros poursuit par ailleurs en préconisant de "s’appuyer sur la présence longue et historique des entreprises françaises. (...) L’autre levier repose sur des relations que l’on peut qualifier d’affectueuses [sic] entre les différents acteurs économiques. Le franc CFA (...) est un facteur aussi non négligeable". De fait, comme l’armée, les entreprises françaises n’ont jamais quitté l’empire depuis la colonisation, elles sont d’une grande proximité avec les régimes autoritaires en place et le Franc CFA assure à la France une maîtrise de la monnaie utilisée pour les échanges.
Les grands absents de ces considérations boursières restent toujours les peuples des différents pays concernés, qui cherchent encore la couleur des milliards générés au-dessus de leurs têtes. Les Swissleaks, qui viennent de révéler de nombreux cas de fraude fiscale organisés par la banque HSBC, permettent d’ailleurs d’entr’apercevoir comment de grandes banques occidentales participent activement à soustraire encore un peu plus les revenus générés dans les pays africains aux systèmes de redistribution déjà largement défaillants. D’après Euractiv.fr, "la Tanzanie, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ont vu des sommes représentant plus de 30% de leur budget santé transiter via le système de la filiale suisse de la banque HSBC" (1). La plateforme Paradis fiscaux et judiciaire vient de lancer une initiative citoyenne européenne afin de faire interdire les sociétés écrans qui permettent ces pratiques : www.transparencyforall.org.
Mathieu Lopes
(1) Les « SwissLeaks » déstabilisent les pays d’Afrique, 11/02/2015
Sur ce sujet, voir le chapitre "La ’nouvelle ruée vers l’Afrique’ est-elle si défavorable aux intérêts privés français ?" du livre Françafrique, la famille recomposée, Survie, Ed. Syllepse, 2014.