Fin octobre 2014, les forces répressives du Burkina Faso tiraient à balles réelles sur les émeutiers burkinabès, sans qu’aucun journaliste ne relève la coopération historique de l’armée et de la police françaises avec l’appareil sécuritaire du pays.
Le bilan de la commission ad’hoc mise en place par le gouvernement de transition s’élève à 24 morts et 625 blessés. Mais point de tollé, cette fois, tel que celui provoqué par Michèle Alliot-Marie proposant de voler à la rescousse du dictateur tunisien Ben Ali en pleine chute en 2011 par la mise à disposition du « savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier ».
Les forces burkinabè profitaient pourtant déjà de la formation française, à l’instar de bien des régimes françafricains « amis de la France ». Il en est ainsi du Cameroun de Paul Biya dont la répression des émeutes en 2008 a fait au moins 150 morts et qui, le 9 décembre 2014, s’est doté d’une loi qui punit de mort même les complices d’actes qualifiés de terroristes. Dans un pays où, comme dans d’autres, « il y a une forme d’amalgame entre le terrorisme et l’expression du désaccord politique » (1), beaucoup y voient une mise en garde aux Camerounais qui trouveraient en l’exemple du Burkina une trop forte source d’inspiration.
Le discours tenu le 29 novembre 2014 par François Hollande lors du Sommet de la Francophonie à Dakar a amplement été relayé pour les propos qui mettaient en garde les présidents africains souhaitant se maintenir au pouvoir en violant leur constitution. Il semble avoir été oublié que le même discours défendait aussi « la nécessité d’une solidarité sur le terrain sécuritaire » s’inscrivant ainsi pleinement dans la doctrine française de la « stabilité » qui permet de justifier l’appui aux différents régimes répressifs en Afrique, qui seraient la seule alternative au chaos. Il a notamment salué l’engagement des soldats tchadiens auprès des forces françaises.
Contredisant aussitôt cette relative distance affichée par l’exécutif français avec les dictatures, le Premier ministre Manuel Valls a rendu une opportune visite au président tchadien Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990 et qui bénéficie régulièrement du savoir-faire français pour se maintenir. En 2008, c’est même une intervention directe de l’armée tricolore qui lui a permis de sauver son régime contre une rébellion armée arrivée à ses portes.
Mais pour Ben Ali comme pour Blaise Compaoré, les despotes soutenus par la France n’ont droit aux défaveurs de la presse et ne suscitent la réprobation que lorsqu’ils tombent.
Mathieu Lopes
(1) D’après le socio-politiste Eric Mathias Owona Nguini, cité par l’Agence Ecofin.
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