Décembre 2014, le Laser Mégajoule commence ses premiers tirs. Objectif : mettre au point l’arme nucléaire du 21e siècle. Une arme nouvelle, déclenchée par un laser, adaptable à tous les théâtres de conflits, les petits comme les grands. L’invention qui banalise l’arme nucléaire.
C’est le programme « simulation », un mot qui laisse penser qu’il ne s’agit pas d’essais nucléaires. Faux, ce sont de vraies explosions. Miniatures par rapport à une bombe nucléaire, « seulement » 5 kilos de dynamite. Qu’importe, le vocabulaire permet de faire croire à un projet acceptable.
Le projet est inacceptable pour plusieurs raisons. La première est évidemment qu’il s’agit de pérenniser l’arme nucléaire pour longtemps. Le Sénat a précisé le chiffre : 50 ans, rapport 668. Donc il faut disposer d’un grand laboratoire, d’équipes de physiciens de haut niveau, d’un budget conséquent. Le Mégajoule donne toutes ces satisfactions.
La deuxième raison est politique, c’est la plus grave. Prévoir ce type de modernisation avec un nouveau type de bombes, des bombes à fusion pure et déclenchement laser serait une percée dans la course aux armements. Message pour les proliférateurs en tout genre : l’arme nucléaire est l’arme de demain, on vous empêche de proliférer mais nous, nous n’envisageons pas de nous en passer. En violation complète des objectifs officiels du Traité de non-prolifération. Pire, en violation du Traité sur l’interdiction totale des essais nucléaires qui devrait concerner les essais en laboratoire du Mégajoule.
La troisième raison est le gaspillage que le Mégajoule représente. Initialement estimé à 1,2 milliards d’euros en 1995, la facture atteint maintenant 7,2 milliards. Et ce n’est certainement pas la note finale... Les militaires eux-mêmes commencent à faire la grimace car ils se sentent défavorisés pour obtenir du matériel... pour faire la guerre. Le gaspillage concerne aussi la recherche sur l’énergie de fusion car le Mégajoule, à finalité militaire, est couplé à un autre laser, le « Pétawatt », qui est prévu pour une recherche d’énergie nucléaire « civile ». Avec de mini-explosions, il pourrait chauffer de l’eau (ne rions pas...) afin de faire tourner une turbine pour de l’électricité... Un projet qui détourne des sommes utiles à la recherche sur les énergies renouvelables. Le meilleur réacteur nucléaire n’est-il pas le Soleil ?
Enfin, il est navrant de ne déceler aucun esprit critique sur ce projet. Quelques personnalités politiques dénoncent ces activités mais ce n’est pas suffisant pour une remise en cause. Des associations militantes comme Négajoule ! se battent sur le terrain, mais l’ambiance est à l’inertie. Un sursaut contre le nucléaire militaire serait salutaire pour tous, en premier lieu pour la « Route des lasers » en Aquitaine avec une reconversion du Mégajoule à la recherche civile non nucléaire. La France pourrait initier, avec l’Europe, une politique de désarmement nucléaire mondial avec l’abandon de nos armes nucléaires totalement inutiles pour assurer notre sécurité.
Dominique Lalanne
Physicien nucléaire
Negajoule, http://negajoule.free.fr.