L’arrivée au gouvernement, en 2012, d’un des hérauts de la transparence financière en Europe, avait suscité quelques espoirs : l’évasion fiscale privant les États « pauvres » de bien davantage de ressources que l’ensemble pourtant fantaisiste des dépenses comptabilisées comme « aide au développement », allait-on enfin s’attaquer à une des causes de leur « pauvreté » ?
Certes, la loi bancaire votée à l’été 2013 a permis d’imposer aux banques françaises de commencer à publier dès 2014 des informations sur leurs différentes implantations ailleurs dans le monde (principe du « reporting »), afin de révéler d’éventuels mécanismes d’évasion fiscale. Mais cette victoire ne saurait être mise au bilan du ministre du Développement : on la doit davantage à l’émoi provoqué par le scandale de l’affaire Cahuzac et à l’activisme de certains députés.
En revanche, lors des discussions à propos de la « loi sur le développement », dont il tire une grande fierté, Pascal Canfin n’a pas hésité à torpiller l’amendement progressiste de députés qui proposaient d’imposer la même obligation de reporting aux entreprises qui remportent les marchés publics de l’aide française au développement. Idem avec celui demandant une transparence de la Proparco (filiale dédiée au secteur privé de l’Agence Française de Développement) sur l’ensemble de ses participations dans des fonds d’investissement, dont on sait que plusieurs sont enregistrés dans des paradis fiscaux notoires. Pour bloquer de telles avancées, au nom du gouvernement, il invoqua la nécessité d’agir plutôt à l’échelle européenne, où des textes en cours de discussion pourraient inclure de telles dispositions.
Un parapluie bien hypocrite, pour celui qui ne pouvait pas ignorer que la loi bancaire française avait offert un opportun effet d’entraînement sur la réglementation européenne. Idem, à nouveau, avec le timide amendement relatif au « devoir de vigilance », un principe au nom duquel on pourrait enfin envisager que le siège français d’une multinationale soit juridiquement responsable des problèmes causés par ses filiales à l’étranger, ce que le droit français ne permet actuellement pas. Cette fois le jeune ministre se réfugia notamment derrière les travaux futurs de la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises (créée en 2013), à laquelle siègent pourtant en bonne place des représentants de dirigeants d’entreprises.
Au final, celui qui fanfaronnait que son gouvernement avait « normalisé les relations entre la France et l’Afrique » (Médiapart, 16 juillet 2012), a juste offert un nouveau nom à l’ex-ministère de la Coopération. Il a soutenu l’interventionnisme militaire, admis sans sourciller que l’Élysée continue de recevoir en grande pompe des dictateurs, et assumé auprès de Survie l’absence de réforme du système monétaire néocolonial du Franc CFA par l’« inexistence d’une demande des Africains » à ce sujet. Un bilan particulièrement transparent, en somme.
Thomas Noirot
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