Comment expliquer que les votes pour EELV soient relativement bas, que leur discours soit si peu audible, alors que les questions écologiques sont de plus en plus visibles pour tout le monde (réchauffement climatique, transition énergétique…) ?
Il faut relativiser le jugement sur les résultats récents, qui ne sont pas si mauvais : aux municipales de mars 2014, EELV a plutôt progressé et a même doublé son nombre de maires pour en compter une centaine (dont celui de Grenoble !). Et aux européennes, le score est revenu à des niveaux habituels, un peu en dessous de 10%. Mais il est vrai que ces dernières années, on avait cru que l’écologie avait réussi à entrer dans la cour des grands.
il y a toujours eu un différentiel important entre l’appréciation que les gens ont de ce parti et le résultat des votes. Depuis les années 90, un sondage récurrent montre qu’il s’agit du mouvement politique préféré des Français (Les Verts ont eu autour de 40 % de bonne opinion, en moyenne), mais les scores électoraux ne suivent pas, loin de là.
C’est surtout aux présidentielles et aux législatives que les écologistes font de très mauvais scores. Il y a là une autre dimension qui tient au rapport très méfiant à la politique nationale, d’une partie des électeurs de l’écologie qui continue de se mobiliser aux municipales, aux régionales et aux européennes, en considérant que les meilleurs niveaux d’action aujourd’hui sont le local et le global, mais pas l’Assemblée nationale.
Pourquoi EELV a-t-il décidé de quitter le gouvernement ?
L’objectif d’un parti c’est de faire évoluer les choses, d’influer sur l’opinion, mais aussi et surtout de participer au jeu électoral pour conquérir des places et des postes. Pour EELV, il est donc logique et nécessaire de concourir à des élections et de participer à un exécutif, quand c’est possible, pour faire changer les choses par la loi. La loi permet de donner un cadre pour que des gens innovent, inventent, expérimentent, sur le terrain...
Avec le mode de scrutin actuel, EELV est contraint de passer un accord de législature avec le PS pour avoir quelques député-e-s. Celui de 2012 est parfois perçu comme une forme de trahison par une partie de ses sympathisants.
On reproche assez peu aux écologistes de participer à des exécutifs municipaux, ou régionaux. Il y en a pourtant beaucoup et depuis plus longtemps. Mais la participation gouvernementale est ressentie comme un symbole.
La question de la participation à un gouvernement, ou à un exécutif devrait être : à quelles conditions y siéger, pour y faire quoi, avec quelles possibilités ? Lorsqu’on peut avancer sur des sujets ou faire évoluer la loi, ça semble utile, voire nécessaire, même si l’on perd un peu en liberté de ton.
Mais il y a une autre nécessité en politique : une fois ces victoires acquises, on peut avoir besoin d’exister comme force politique autonome, au moment des élections (municipales et européennes) et porter une parole plus critique à l’égard d’un gouvernement qui déçoit et qui renonce à mener une politique écologique et sociale. De ce point de vue, l’écologie a réussi à apparaître comme une proposition crédible et à se maintenir dans de nombreuses villes en mars 2014 (entre 10% et 15%, 29% à Grenoble), tandis que le PS s’effondrait à peu près partout.
Comment mieux articuler les différentes formes d’écologie politique (EELV, médias comme Silence, associations comme Agir pour l’environnement, Réseau sortir du nucléaire, Réseau Action Climat, pratiques alternatives comme les Amap, luttes comme Notre-Dame-des-Landes…) ?
Cette question se pose depuis l’apparition de l’écologie politique, au début des années 70, entre mouvements, associations, médias, ou ONG…Parmi ces acteurs, chacun avait une approche de ce que devait être l’écologie et de la façon dont elle devait s’engager en politique, au sens large du terme. La culture libertaire et rigoriste de ces milieux perdure, avec ses côtés sympathiques, mais aussi avec des aspects moins agréables, qui entraînent parfois des confrontations permanentes entre les acteurs, qui exigent des autres qu’ils pensent et fassent comme eux. Ces divisions sont une des causes du peu d’attrait et de la faible influence de l’écologie dans l’opinion.
Il faut accepter qu’il y ait des acteurs différents et complémentaires. Tous doivent trouver leur place : certains font vivre des idées, d’autres agissent sur le terrain, d’autres encore portent ces idées et ces nécessités au plan électoral... Aucun n’est suffisant. Chacun a sa part. Ensemble, complémentaires plutôt que concurrents, ils peuvent peser sur le cours des choses plus globalement et plus efficacement.
Erwan Lecoeur est notamment l’auteur de Des écologistes en politique. (éd. Lignes de repère, 2011) et Petit bréviaire écolo (éd. Les petits matins, 2011).