En 2008, plusieurs artistes créent l’association La P’tite tremblote (1) pour soutenir leurs activités et celles d’autres compagnies. Il s’agit, dans un premier temps, de tresser des liens entre des gens du cirque de même sensibilité. L’association se définit autour des trois pôles du développement durable :
• un pôle économique, en développant des formes de solidarité locale, principalement à l’échelle du département ;
• un pôle social, en mélangeant les gens, jeunes et moins jeunes, les milieux culturels différents, gens du cirque et du théâtre, du cinéma, du spectacle de rue… ;
• un pôle écologique, en utilisant des produits locaux et bios, en favorisant le recyclage, notamment pour les décors, en freinant la consommation d’énergie, en soutenant des lieux engagés (2)…
Circo loco
Moment fort de l’association, Circo loco est un festival annuel de deux semaines, fin juillet, qui se passe sous chapiteaux, à côté du centre socioculturel le Val’Rhonne de Moncé-en-Belin, à proximité du Mans. « Loco » est un jeu de mot entre « locaux » et « fou » en espagnol. Pour un prix modeste (3, 6 ou 9 € le spectacle, tarif en choix libre), vous avez du cirque, du cinéma, des sorties nature, des ateliers autour de savoir-faire…
Ce festival est organisé en lien avec le GAB72 (groupement des agriculteurs biologiques de la Sarthe) et le réseau Biocoop, qui fournissent les produits pour la buvette et la restauration, et participent à un marché. Pendant le festival sont installés une collecte sélective des déchets, des toilettes sèches, un bac à compost… L’éclairage et le son sont modérés pour ne pas trop consommer. Les tracts et affiches sont imprimés sur du papier recyclé avec des encres végétales (3).
Le groupe bénéficie aussi de l’aide d’une radio associative du Mans, Radio Alpa, et de l’épicerie du Pré (4).
Au niveau culturel, les organisateurs misent sur la diversité en alternant des sujets simples et plus complexes. Ils ont ainsi abordé la question des femmes battues ou la fermeture du centre de Sangatte (5). Les chanteurs sont souvent choisis pour l’engagement de leurs textes.
La préparation du festival dure toute l’année. Il bénéficie de peu de subventions car il est jugé « trop local ». Pour compenser le manque de moyens, les décors sont parfois participatifs : cette année, un « troc’plantes » est organisé avec l’association Kokopelli. Le public pourra apporter une plante et l’échanger avec l’une de celles qui serviront de décor végétal. Les visiteurs proviennent principalement des communes voisines. Le nombre de véhicules est donc réduit. Tout le village se mobilise à différents niveaux, notamment pour l’hébergement des artistes. Les communes prêtent du matériel et, depuis trois ans, le FIJ verse une aide (6).
Les spectacles sont choisis dans d’autres festivals et par le bouche à oreille. On donne la priorité aux nouvelles créations, aux compagnies du département, aux jeunes qui sortent d’écoles et qui se lancent.
Le désir reste de grossir lentement pour pouvoir rester local. Au départ, les organisateurs n’étaient que des jeunes (18 à 25 ans), dans un village où vivent beaucoup de personnes âgées. La priorité était donc de tisser des liens entre les générations.
Production de spectacles
Aujourd’hui, quatre compagnies adhérent à l’association : Presque siamoises, les Vents contraires, Greg & Natacha et La Chocho Compagnie. L’association joue un rôle de production : elle les accompagne dans leur communication et dans la recherche de spectacles, d’abord dans la Sarthe, mais également ailleurs.
Avec le centre socioculturel le Val’Rhonne, ils ont développé, à partir de 2011, des ateliers d’initiation au cirque pour les enfants de la commune, chaque mercredi. Un cours parents-enfants a même été inauguré cette année. Ils interviennent dans d’autres communes pendant les vacances scolaires. Des mini-camps de cirque ont aussi lieu pendant le festival, avec une découverte du cirque et des coulisses du festival, où les parents sont invités à découvrir leurs bambins sur scène. Une nouveauté cette année : un stage de perfectionnement BAFA aura lieu fin juin ou début juillet. En tout, une dizaine d’intervenants organisent ces moments circassiens.
Gros sous
Ces différentes activités ont permis un début de reconnaissance. Grâce à quelques aides financières, un premier poste de salarié a été fondé : Clément Desnoë coordonne la production des compagnies, plus celle de Circo-Loco, et participe aux différentes tâches de l’association.
Outre ce poste rémunéré, l’association verse aux intermittents du spectacle qui se produisent dans leurs activités le cachet correspondant aux heures travaillées (7). Chaque membre des différentes compagnies vit aujourd’hui de son art (soit 6 personnes).
Au moment du festival, l’équipe de bénévoles est renforcée par quelques jeunes en mission de services civique. C’est d’ailleurs ainsi qu’a commencé l’actuel chargé de production : Clément Desnoë a bénéficié d’un service civique de six mois dans l’association, à 28 h par semaine. Il a d’abord aidé à réaliser les documents de présentation des compagnies puis s’est intégré dans le réseau artistique. Le budget, modeste, est à l’équilibre.
Le réseau
Au départ, les premiers adhérents étaient un groupe d’amis. Depuis, une volonté d’ouverture se manifeste. De nombreux jeunes cherchent de nouveaux modes de vie, plus sobres, en cohérence avec leurs idées. « Les marges sont plus intéressantes », disent-ils, et on peut y développer plus de solidarités.
Au Mans, un projet de Club de l’économie sociale et solidaire est à l’étude (8). Il implique de grosses structures, comme les mutuelles, et des associations plus modestes, dans des directions extrêmement diverses. Les membres du groupe y participent, car pour eux, les spectacles ne doivent pas se détacher du concret.
La dernière compagnie arrivée développe des spectacles en lien avec le handicap. Cela a ouvert des discussions avec les autres, et incité à aller voir ce que réalisent d’autres groupes ailleurs, dans ce domaine ou dans d’autres.
Comme quoi, il est toujours possible de s’élever en s’appuyant sur ses idées, sans avoir à se contorsionner pour se justifier. Un sacré numéro.
M. B.
• La P’tite tremblote, centre socioculturel Le Val’Rhonne, 2, allée de l’Europe, 72250 Moncé-en-Belin, laptitetremblote.fr, tél : 06 71 42 57 43
(1) Pour les contorsionnistes, la « p’tite tremblote » est le mouvement involontaire des muscles lorsque l’on adopte certaines positions d’équilibre difficiles.
(2) Certains spectacles se sont produits à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) et au centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse).
(3) Cela pourrait leur donner droit au label « éco-festival »… qu’ils estiment trop flou dans leur région, par comparaison avec celui qui a été mis en place en Bretagne.
(4) Café-cantine du Mans, voir page @@@.
(5) Sangatte est la commune où se trouve l’entrée du tunnel sous la Manche. Ce centre accueillait les candidats à l’immigration en Grande-Bretagne bloqués en France.
(6) Fonds d’intervention jeunesse du Conseil régional.
(7) Au minimum 125 € bruts par jour
(8) CEAS72, 5, place des Comtes-du-Maine, 72000 Le Mans, tél : 02 43 76 51 83 (Bertrand Langevin)