Dossier Société Sport Tourisme

Habitants – touristes : quelle frontière ?

Pascal Lluch

Il n’y a pas qu’une seule manière de voyager. Si l’article précédent invite à inventer les chemins de la rencontre en sortant des sentiers battus, celui-ci propose une réflexion sur les nouvelles manières de construire le lien entre touristes et habitants, sans négliger l’organisation et la préparation de son périple. Un acteur de ce tourisme « de partage » analyse cette évolution à partir de son territoire, le Trièves, en Isère.

L’organisation du tourisme dans les territoires ruraux, enjeu économique majeur, doit tenir compte d’une évolution rapide des modes d’organisation des séjours des visiteurs. Au grand bénéfice des habitants comme de ces derniers, pour peu que les instances locales sachent tirer partie de ces mutations.
Si le modèle « tout compris » en résidence hôtelière a encore de beaux jours devant lui, le tourisme diffus sur les territoires est en pleine expansion. De nombreux visiteurs cherchent aujourd’hui la rencontre, la découverte de l’espace de vie, donc le territoire qui saura mettre ces valeurs en avant. Aujourd’hui, les institutions, comme les comités départementaux du tourisme, organisent ce nouveau tourisme, tandis que les initiatives venant des habitants se multiplient depuis plusieurs années. En effet, l’avènement des sites internet auto-administrés puis des réseaux sociaux et, enfin, la multiplication des appareils mobiles connectés, modifient profondément l’organisation des séjours. L’internaute construit lui-même ces derniers à partir d’éléments qu’il va trouver sur la toile. Il ne consulte plus seulement les sites officiels des territoires ou ceux des gros opérateurs touristiques : il dispose aussi des avis d’autres internautes sur une chambre d’hôte dans un « coin perdu » disposant à peine d’une page web. Et les avis des consommateurs sont en passe de devenir plus importants que le contenu même du site internet...
Un autre élément devenant essentiel pour le choix de la destination, et que l’on peut maintenant rendre visible en temps réel, est tout ce dont peut profiter le visiteur : ce qui va se passer sur le territoire lorsqu’il y sera. Tout ce qui fait la vie du territoire devient aussi l’offre à destination des visiteurs ; elle est même la valeur ajoutée essentielle pour le choix de nombreux touristes.

Quelles sont ces initiatives des habitants ?

L’économie collaborative, nouveau vocable qui peut paraître rébarbatif, exprime bien les mutations que vit aussi le monde du tourisme, à toutes les échelles : des habitants s’organisent pour recevoir les visiteurs et leur montrer leur pays, leur parler de leurs activités. Ce sont par exemple les greeters (de nombreux groupes existent en France et partout dans le monde) (1) et les réseaux d’hébergement chez l’habitant. On trouve aussi de nombreuses formules d’échange de maisons ou de partage de voitures. Evoquons également les vélos mis à disposition des visiteurs de Mens par l’association ReCycleArt. Tout ceci, accessible depuis n’importe quel lieu du monde, favorise la venue de visiteurs qui se sentiront presque instantanément intégrés dans la vie locale. La rencontre est réelle, et le bénéfice mutuel. Recevoir chez soi des étrangers à son territoire, à soi-même, est bien aussi une manière de voyager.
Aujourd’hui, dans le Trièves, la proportion de nuitées dans des lits non marchands est de plus de 60 % (amis, maison de famille, etc.). Et cette « population » de touristes est totalement oubliée… La taxation des nuitées marchandes ne devrait pas être un chantier prioritaire du service de tourisme.

La vie du territoire, pour les habitants ou les visiteurs ?

La convergence entre l’usage du territoire par les habitants et celui du visiteur est une réalité, elle doit être organisée. Dit autrement, l’habitant profite de l’offre touristique, les services et activités à disposition des habitants s’adressent aussi aux visiteurs. Les besoins culturels et récréatifs des habitants ne sont pas moins importants que ceux que peut désirer un visiteur, et leur promotion doit être identique à celle visant un public extérieur.
Il s’agit donc bien de mettre les acteurs, visiteurs comme visités, au centre du schéma de développement du tourisme.
L’écotourisme est une composante de ce tourisme en train d’émerger.
La dispersion des visiteurs aujourd’hui est devenue totale, et il n’y a plus de frontière touristique entre les villes, les sites majeurs ou les stations de ski et les territoires ruraux. Et un habitant peut décider seul de recevoir des visiteurs, là où il habite, où qu’il soit. Le tourisme se réinvente, et l’habitant peut d’ailleurs devenir touriste de son propre territoire. Visiteur et ambassadeur, habitant et ambassadeur ; à la fois créateur et destinataire de l’offre, il n’y a pas de frontière entre le visiteur et le visité.

Organisons-le !

On le voit, développer le tourisme ne passe pas forcément par la création de toutes pièces d’une image et d’une offre qui rendraient le territoire attractif, en dépensant des millions, ce qui est aussi une artificialisation au même titre que créer des infrastructures dédiées au tourisme, de type Center Parc (3).
Ce tourisme d’articulation, celui qui correspond aux critères d’un tourisme doux, respectant les capacités d’accueil d’un territoire – soit à la fois le souhait des habitants et les faibles capacités en lits d’accueil – ne demande pas des moyens très importants, mais plutôt des compétences d’organisation, de gouvernance, d’intelligence collective, de mise en réseau des acteurs, et de mise en lisibilité, autant pour la population que pour les visiteurs, de tout ce qui fait l’offre du territoire.
L’office de tourisme intercommunal (OTI), en étant aussi au service des habitants, améliore la visibilité du territoire, son attractivité. Ce tourisme, que l’on nomme parfois tourisme de partage, correspond à un mouvement de fond de son évolution.

Pascal Lluch

Contact : pascal@randopays.com. Accompagnateur en montagne (38710 Saint-Jean-d’Hérans), vice-président de Voyageurs et Voyagistes Ecoresponsables (association nationale).

Les modes de transport les moins polluants

Pour connaître vos dépenses en kilogrammes d’équivalent pétrole et vos émissions de CO2, le site officiel à consulter est celui de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui propose une calculette simple à utiliser : www.ademe.fr/eco-comparateur/. Il existe d’autres classements avec des chiffres qui varient quelque peu.
Nous pouvons sans risque classer les moyens de transports selon leur émission de CO2 (par ordre croissant)* :
La marche
Le vélo
Le tramway, le métro et le R.E.R
Le train
Le ferry
Le bus
La moto
La voiture
Le camion
L’avion

* Il y a de grosses variations pour la plupart des transports motorisés, selon le modèle, la puissance et le type de trajet, mais ce classement est le plus couramment utilisé.
Toutefois, il fait la part belle aux moyens de transport électriques, ce qui pose problème car l’énergie électrique française est produite principalement à partir du nucléaire. Notons également que le train, tout comme le transport routier, nécessite une infrastructure importante qui n’est pas sans effets sur l’environnement.
Par contraste, le vélo, la voile (malgré leurs constructions et infrastructures) et surtout la marche ont un impact beaucoup plus limité.
DB.

Les greeters, un lien entre l’habitant et le visiteur

Le mouvement des Greeters (« hôtes » en anglais) a vu le jour à New York en 1992. En France, le mouvement a été lancé par le groupe de Nantes, rapidement suivi par Lyon et Paris. Le réseau international des hôtes, ou Global Greeter Network, a été créé en 2005 et compte 15 000 adhérents dans le monde (Europe, Amériques et Australie). Il sert de plateforme d’échanges pour les différentes associations, chaque unité restant indépendante dans son fonctionnement.
Les hôtes proposent aux visiteurs de leur faire découvrir leur ville dans un esprit de convivialité , comme ils le feraient avec des amis. Ce service est entièrement gratuit et fonctionne sur la base du bénévolat.
Les visiteurs peuvent remplir un questionnaire dans lequel ils indiquent entre autres leurs centres d’intérêt, ce qu’ils connaissent de la ville, ce qu’ils souhaitent découvrir… L’association propose alors un rendez-vous avec un hôte qui accompagnera les visiteurs pendant quelques heures.

Les volontaires s’inscrivent sur le site des hôtes de leur ville et remplissent un questionnaire résumant leurs intérêts et connaissances de la ville. Ces habitants s’engagent alors à ne pas être de simples guides mais des accompagnateurs, hors des sentiers battus par le tourisme classique. Les visiteurs/euses contactent les villes adhérentes qui leur affectent des hôtes adaptés à leurs demandes.

Aujourd’hui en France, 21 communes, communautés de communes ou départements ont adhéré au GGN. Pour devenir hôte, il faut contacter l’association proche de chez soi.

Fédération France Greeters : www.francegreeters.fr

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