Trois Questions Énergies Gaz de schistes

3 Questions aux collectifs Stop Gaz de schiste Rhône-Alpes

Les pro-gaz de schiste affirment qu’il y a d’autres techniques que la fracturation hydraulique pour exploiter le sous-sol. Cela est-il vrai ? Cela change-t-il quelque chose dans les arguments pour s’opposer à cette exploration/exploitation ? Notamment sur les émissions de gaz à effet de serre ?

Il n’existe aucune autre technique rentable que la fracturation hydraulique pour exploiter le sous-sol. Certaines techniques telles que la stimulation (ou fracturation) au "fluoropropane" (1) ne sont pas au point ou ne donnent pas de bons résultats.
Cette dernière (ou NFP pour "non flammable propane") n’a jamais été testée sur le terrain et sa production est extrêmement onéreuse ce qui la rend non-rentable.
Par ailleurs son pouvoir de réchauffement climatique est selon les experts de l’ONU près de 3000 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone sur une durée de 100 ans.
Son utilisation "nécessiterait donc de prévenir et de contrôler les fuites susceptibles de survenir à tous les stades de la chaîne de production", souligne l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques et scientifiques. De plus, son utilisation se heurterait aux engagements de l’UE qui prévoit de réduire l’usage de gaz fluorés de 80% d’ici 2030.
Le taux de fuites dans les installations gazières américaines se situe déjà entre 2 et 11%. Les opérations de séparation du fluoropropane d’avec le méthane pour recycler le premier augmenterait très certainement ce taux.
Mais, quelle que soit la technique utilisée, le pire problème réside dans la fracturation de la roche en elle même, qui sera à plus ou moins long terme le « problème totalement incontrôlable et irréparable » que les industriels laisseront derrière eux ! Vous avez dit « responsables ? »

Régulièrement, des ministres (Montebourg, Fabius…) montent au créneau pour relancer le débat. Pourquoi cet acharnement ?

Cela vient probablement de la façon un peu archaïque de penser l’économie avec pour seuls objectifs la production de richesses et la croissance, sans penser à l’impact sur les ressources épuisables de notre planète et sur notre santé. Aujourd’hui le monde est très différent de l’époque qui a vu naître les théories économiques sur lesquelles le système extractiviste est basé.
Il y a aussi le poids des lobbies en quête de profit immédiat sur des politiques qui, en ces temps difficiles où notre modèle économique montre ses limites, ont très envie de croire à une solution miracle et à un possible retour à une époque pourtant révolue.
En ce début de 21e siècle, une autre vision devrait les animer. Celle d’un monde où les énergies fossiles, de plus en plus rares et de plus en plus difficiles et coûteuses à extraire, sont économisées pour certains besoins particuliers et spécifiques laissant place aux énergies renouvelables. L’intelligence et le savoir-faire de la science nous sortiraient de cette ornière des énergies fossiles pour peu que nous décidions de lui consacrer du temps de cerveau disponible et des moyens financiers à hauteur de l’enjeu.

Il semble que sur le plan économique, de nombreuses compagnies soient en difficultés que ce soit aux Etats-Unis ou en Pologne. Les gaz de schiste ne seront-ils qu’un feu de paille dans les politiques énergétiques ?

Le contexte de production des hydrocarbures dits « non conventionnels » (gaz et huile de schiste ou gaz en couche de charbon) est très différent des poches de gaz ou de pétrole. D’abord car :
1 - il nécessite des investissements par puits entre 10 et 15 fois supérieurs à un puits conventionnel
2 - compte tenu de la faible quantité récupérable à cause d’une faible porosité des argiles sédimentaires, cela nécessite de très nombreuses fracturations par puits et des dizaines de milliers de puits individuels pour soutenir une production rentable
3 - enfin, une infrastructure technique très importante, tant en amont qu’en aval, est aussi nécessaire,
tout ceci participant au fait que le coût d’extraction est nettement plus onéreux pour les hydrocarbures de roche mère et ceci, malgré l’abrogation de lois sur l’eau et l’air notamment pendant la période "Bush" qui auraient rajouté un coût environnemental certain.

Ensuite, l’engouement lancé à grand renfort de campagne propagandiste d’un eldorado redonnant aux Etats Unis une place de grand producteur a eu pour conséquence une production effrénée qui, suivant la fameuse doctrine du marché de l’offre et de la demande, à fait chuter le prix bien en dessous du coût de revient de la seule extraction ! Ce qui a pour conséquence pour des entreprises comme Chesapeake ou Exxon d’y "perdre leur chemise" et encore en 2014 de prévoir des dépréciations d’actifs voire des ventes de terrains ! (2)
D’autant plus que le problème de la récupération commence à montrer ses limites. Des experts comme Jean Laherrère de ASPO, Association pour l’étude du pic de pétrole — graphiques à l’appui — démontre que le pic pétrolier et gazier des champs les plus prometteurs aux Etats-Unis, dans le Bakken et l’Eagle Ford est déjà en phase d’être atteint (3).

• Collectif 07 Stop au Gaz de Schiste, tél. 04 75 36 72 83 - contact@stopaugazdeschiste07.org

(1) Il s’agit de remplacer l’eau par un gaz ininflammable. Cette technique n’a jamais été testée massivement. Voir Silence n°406 "Gaz de schiste, non à la fuite en avant".
(2) http://www.petrole-et-gaz.fr/chesapeake-poursuit-ses-cessions-2235/
(3) http://peakoil.com/geology/jean-laherrere-uses-hubbert-linearization-to-estimate-bakken-shale-oil-peak-in-2014

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