Surprise en décembre 2013 : une conférence est organisée à l’Assemblée Nationale par un député de droite, Pierre Pascallon, et intitulée "Faut-il maintenir la dissuasion nucléaire ? ".
Plus étonnant encore : les principaux opposants à la dissuasion nucléaire sont invités à la tribune de la première table ronde, des "politiques" comme Hervé Morin ou Michel Rocard, mais aussi des représentants d’ONG comme Patrice Bouveret de l’Observatoire des armements, des militaires comme le Général Bernard Norlain ou le général Claude Le Borgne. Tous dénoncent le blocage actuel à toute remise en cause, et demandent une politique déterminée pour le désarmement nucléaire et l’abandon de la "dissuasion nucléaire française".
Des paroles fortes. Hervé Morin, ancien ministre de la Défense : "Sur le long terme, il est clair qu’il faut l’abolition des armes nucléaires. Dans l’immédiat, la composante aéroportée devrait être éliminée. Il faut ouvrir le débat, et discuter du problème au niveau européen". Michel Rocard : « Avec l’arme nucléaire nous sommes complices d’un crime contre l’humanité. La prolifération va continuer puisque nous l’encourageons. Et il y a une forte probabilité qu’un jour l’arme nucléaire soit utilisée par un fou, un fanatique ou un criminel ". Patrice Bouveret : " Si nous assurons avoir besoin de l’arme nucléaire pour notre sécurité, tous les pays voudront l’avoir. Nous développons l’argument en faveur de la prolifération ! ". Général Bernard Norlain : « L’arme nucléaire n’est pas notre "assurance-vie" mais notre "assurance-décès ". Général Claude Le Borgne : "Avec l’arme nucléaire il ne s’agit pas de dissuasion mais de menace de génocide. Renoncer à l’arme nucléaire aurait un grand retentissement dans l’humanité. Cela replacerait notre pays à l’avant-garde".
Les 3 autres tables rondes qui ont suivi donnaient la parole aux "pro-nucléaires". Mais beaucoup de questionnements montraient qu’il y a des failles dans le discours officiel. Par exemple : "Il faut un débat ; une doctrine figée, comme c’est le cas actuellement, est destinée à sauter". "Il faut envisager une politique de défense qui ne reposerait pas sur l’arme nucléaire". "On fait des gaspillages en renouvelant trop vite le matériel". "Les seuls qui ont vraiment intérêt à conserver la dissuasion sont les industriels". "Aucun Etat européen ne veut d’une Europe avec l’arme nucléaire".
Ces questionnements continuent. En janvier un colloque au Sénat a abordé aussi ces questions sous l’angle des "conséquences humanitaires catastrophiques", un sujet maintenant sur la sellette au niveau international. Et les commissions de la défense du Sénat et de l’Assemblée Nationale disent vouloir organiser une consultation de tous, personnalités et ONG... Du jamais vu !
Ouvrir le débat semble donc maintenant possible avec les inconditionnels de l’arme nucléaire. Reste à trouver les arguments qui les feront basculer et rejeter l’arme. Une arme qui crée l’insécurité générale de tous.
Dominique Lalanne
Physicien nucléaire retraité, co-président de Armes nucléaires STOP
do.lalanne@wanadoo.fr