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La petite musique des Vers solidaires

Amateurs de rock et de musiques actuelles, engagés dans le milieu alternatif, dix amis d’enfance ont décidé en 2004 de lancer un festival solidaire dans la commune de Saint-Gobain.

Ils ont fondé l’association Gaïa pour la gestion de cette activité, avec pour objectif l’organisation et le financement de projets culturels, humanitaires et écologiques. Le festival des Vers solidaires (1) a lieu chaque été, avec le soutien de la municipalité, qui leur prête l’enceinte du stade. Ils espèrent ainsi arriver à développer d’autres activités pour redynamiser une commune qui se cherche, après la fermeture de son usine de verre et glaces.

Faire se rencontrer des populations différentes

Le vendredi soir et le samedi soir, c’est concert. Le samedi après-midi et le dimanche, il y a un village alternatif. Le dimanche, c’est scène ouverte pour de petits groupes… Nous avions choisi de venir le dimanche matin ; nous avons ainsi croisé de nombreux jeunes aux yeux rouges (manque de sommeil ?) qui repartaient en stop après deux nuits de musique, et les alternatifs du coin, plus intéressés par les stands et les débats.
Sous un climat océanique (pas loin de 50 averses dans la journée), nous avons pu suivre des débats autour de la parentalité, du chamanisme, de la libération du vivant… Des ateliers permettaient de s’initier à la permaculture, à la sophrologie, aux isolants naturels, au compost… le tout aux côtés d’un marché biologique de producteurs locaux, d’une fête de la laine, de jonglerie et de multiples stands de nourritures et de boissons. Une trentaine d’associations étaient présentes, locales ou plus lointaines. Tout cela est rendu possible par la mobilisation de plus de 200 bénévoles : des personnes du coin, mais aussi des gens qui, venus de loin pour la musique, y reviennent pour l’ambiance.

Evolution du festival et évolution personnelle

Au départ, le festival n’était pas si impliqué dans les actions écologiques et/ou sociales. Dès le début, l’un des buts était de dégager des bénéfices à réinvestir dans des projets solidaires (2). Les organisateurs ont découvert certaines alternatives sur les stands associatifs, et ils les ont ensuite reprises : les toilettes sèches, le système des consignes pour les verres et la vaisselle, la possibilité de manger végétarien, certaines activités à prix libre, la création d’une monnaie du festival, la totazlité de l’alimentation bio et locale, le recyclage à 95 % des déchets, la recherche d’une économie solidaire, écologique, locale et artisanale…
Le festival s’est développé progressivement, passant de 2000 participants et spectateurs la première année à plus de 8000 aujourd’hui. Le public, d’abord local, s’est élargi, comme pour le bénévolat. Certains viennent maintenant de toute la France et de Belgique (3). Les musiciens et chanteurs sont de plus en plus choisis pour leur engagement militant. Les têtes d’affiche en 2013 étaient les Ogres de Barback et Keny Arkana.

Des financements solidaires

Le budget du festival est de 140 000 € (pour payer les prestataires pour la scène, l’éclairage et le son, et le cachet des musiciens). Les recettes proviennent des entrées (4), des bénéfices de la buvette et de l’essentiel de la restauration que l’association gère elle-même, enfin, pour une faible part, d’un prélèvement sur le chiffre d’affaires des stands (5). L’association développe également quelques activités locales : trois à quatre fois par an, elle organise une projection gratuite de film militant. En juin, elle propose aussi une « Fête de la vie », mini-festival pour lequel elle ne communique que dans la commune.
L’association décide chaque année des projets qu’elle va aider financièrement. Depuis deux ans, elle a participé au rachat de terres pour les indiens Kogis en Colombie, versé de l’argent à Terre de liens, et aidé au développement de projets alternatifs très locaux (qui, selon les membres, ne sont pas forcément les plus faciles à repérer).
L’association ne compte aucun salarié : tout le monde est bénévole. Ceux qui s’investissent le plus ont souvent un métier à temps partiel et l’organisation du festival se répartit sur toute l’année.

Faire revivre le village

Les animateurs de l’association sont très bien acceptés dans la commune car leurs parents y vivent, voire leurs grands-parents. Cinq d’entre eux ont acheté collectivement, en 2012, d’anciens vergers abandonnés qui dépendaient de jardins ouvriers, liés à la verrerie. Sur ce terrain en pente de deux hectares, ils ont installés des habitations légères (yourtes, tipis, dômes) et rêvent d’y développer un écovillage. Il n’y a pour le moment ni électricité (mais des panneaux solaires), ni eau courante (mais un puits), seulement quelques essais d’autoconstruction comme un mur de soutènement en bois cordé. Ils y font déjà de la permaculture et plantent de nouveaux arbres fruitiers.
Yvain et Valérie, deux des animateurs de l’association, ont créé leur activité autour de la location de toilettes sèches. Un autre a créé son emploi autour d’un fournil à bois et produit du pain bio qu’il vend lors du festival et, localement, le reste de l’année. Il ne reste plus qu’une supérette dans la commune. Quelques-uns viennent de racheter la maison de la presse, qui fermait, pour la transformer en épicerie biologique.
Ils sont aussi actifs dans un syst-me d’échange local (SEL) et une AMAP. Le festival a été le lieu de lancement d’initiatives comme, cette année, l’annonce de la naissance de l’épicerie bio, mais également du réseau Forêt vivra qui dénonce l’exploitation intensive des forêts par l’Office national des forêts (6).
Ils ont récemment organisé une assemblée villageoise pour discuter plus largement qu’au conseil municipal. Une centaine de personnes ont participé à cette expérience de démocratie directe. Cela a débouché sur la mise en place d’une organisation autogérée, en dehors de l’association Gaïa, avec des groupes de travail qui se retrouvent une fois par mois. Une commission chercher à donner la parole aux anciens, une autre voudrait rouvrir des chemins…
Un autre monde est donc possible… déjà localement.

M. B.

• Festival des Vers solidaires, www.vers-solidaires.org, organisé par l’association Gaïa, Yvan Brochot, 36 rue Lucas-de-Néhou, 02410 Saint-Gobain, tél : 06 63 70 84 83

(1) Il s’agit de vers de poésie et de musique, et non de ceux du compost !
(2) Ce qui a pu être fait chaque année, sauf en 2010, à l’occasion du passage de deux à trois jours où il y a eu un déficit par sous-estimation de ce que coûtait ce changement.
(3) La frontière est à 100 km.
(4) A un tarif tout à fait raisonnable : 18 € pour les trois jours
(5) Les visiteurs sont invités à utiliser la monnaie locale (le Goban) et, lorsque les stands font la reconversion en euros, un petit pourcentage est prélevé.
(6) Pour des raisons économiques, de plus en plus, les forêts sont coupées en une seule fois puis replantées en une seule fois. On se retrouve donc avec des futaies « régulières », où tous les arbres ont le même âge et où la biodiversité est pauvre. L’alternative consiste à couper les arbres de manière à favoriser la présence de tous les âges. On parle alors de futaie « irrégulière ».

Saint-Gobain

La commune de Saint-Gobain est célèbre dans le monde entier : Colbert y créa en 1665 la Manufacture des glaces de Saint-Gobain pour réaliser les miroirs du château de Versailles. L’usine a fonctionné jusqu’en 1995. C’était la principale activité économique de la commune (elle a compté jusqu’à 1000 salariés). Il reste deux autres gros employeurs : un hôpital psychiatrique (300 salariés) et un centre de réinsertion (200 salariés).
Si la population est stable (2300 habitants), elle est vieillissante. Nombre de commerces ferment. La dernière banque est partie il y a un an.

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